Crash boursier,
stock-options: le management d’EADS dans la tempête
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Noël Forgeard et Arnaud
Lagardère le 24 mai 2006 à Matignon
Au lendemain du crash boursier d’EADS, dû à sa
filiale Airbus, le groupe européen reconnaît traverser une “crise majeure”
qui met sur la sellette ses dirigeants à commencer par Noël Forgeard,
également critiqués pour avoir vendu des actions trois mois avant la
tempête.
L’annonce mardi d’un nouveau retard de
livraison de son avion géant A380, pour des “raisons industrielles”, a fait
s’effondrer de 26% mercredi le cours d’EADS, dont la stratégie et la
crédibilité ont été sévèrement remises en cause.
Jeudi, à la Bourse de Paris, l’action a clôturé
en hausse de 6,78% à 20 euros, sans effacer la perte abyssale de la veille:
5,5 milliards d’euros de capitalisation partis en fumée.
“Nous faisons face à une crise majeure” et
“nous allons répondre tant sur le plan industriel qu’humain”, a déclaré au
Monde Arnaud Lagardère, co-président du conseil d’administration, dont le
groupe possède 7,5% du capital d’EADS.
L’avertissement est lancé en direction des
dirigeants gravitant autour d’Airbus. De l’aveu de M. Lagardère, “il n’est
pas question de faire payer un lampiste”.
Premier montré du doigt: le président de
l’avionneur, Gustav Humbert, soupçonné de n’avoir pas informé à temps
l’état-major d’EADS.
“En mai, nous avons posé la question au patron
d’Airbus (…) Sa réponse a été: nous n’avons aucune information nous
permettant de conclure qu’il y aura un décalage de livraisons. La question
est de savoir si le patron d’Airbus était au courant de la situation en
interne”, s’est interrogé M. Lagardère.
Mais c’est surtout Noël Forgeard, ex-président
d’Airbus, qui semble fragilisé.
Chiffres-clés et cours
de l’action d’EADS
Numéro un du constructeur aéronautique de 1998
à 2005, le co-président exécutif d’EADS aura du mal à convaincre de sa
pleine absence de responsabilité dans la crise industrielle que traverse le
programme A380, alors qu’il en revendique la paternité.
Conscient d’être ainsi exposé, M. Forgeard
préfère charger son successeur, l’allemand Gustav Humbert.
“Lorsque j’étais chez Airbus nous n’avons
jamais raté nos prévisions”, a-t-il lancé mercredi, oublieux du premier
retard de l’A380 évoqué du bout des lèvres en avril 2005.
Mais Arnaud Lagardère, poussé par l’Elysée il y
a un an à soutenir la nomination de M. Forgeard chez EADS, reste aujourd’hui
réservé sur la confiance qu’il lui accorde. “C’est une discussion que
j’aurai avec Manfred Bischoff”, son homologue allemand au conseil
d’administration.
Menacé, Nöel Forgeard doit en outre faire face
à une controverse portant sur la vente massive d’actions qu’il a réalisée
quelques semaines avant le désengagement partiel du capital des deux
actionnaires Lagardère et DaimlerChrysler, et la débâcle de l’action du
groupe mercredi.
Le co-président d’EADS, ses trois enfants et
plusieurs dirigeants français et allemand du groupe ont ainsi réalisé en
mars plusieurs millions de plus-values après avoir levé des stock-options,
selon l’Autorité des marchés financiers (AMF).
EADS a réaffirmé jeudi que ces opérations
n’étaient entachées d’aucune irrégularité.
Pour la présidente de l’Association de défense
des actionnaires minoritaires (Adam) française, Colette Neuville, “cela n’a
pas l’air de pouvoir être une coïncidence”.
“Ils sont quand même plusieurs à avoir vendu
leurs actions à un moment où les autres actionnaires n’étaient pas en mesure
de pouvoir détenir les mêmes informations qu’eux”, a-t-elle jugé, réclamant
une enquête.
Le député socialiste et ancien Premier ministre
Laurent Fabius a également demandé jeudi “toute la lumière” sur ces ventes
d’actions “quelques semaines avant la forte baisse des cours”.
Contactée par l’AFP, l’AMF s’est refusée à dire
si une enquête était en cours.