Dans les pays développés, le
processus de tertiarisation de l’économie est déjà amorcé depuis plus de 30
ans. L’accélération observée il y a une décennie grâce à l’essor des TIC, a
produit une onde de choc qui a touché l’ensemble des pays, y compris
émergents, et pour lesquels, la « révolution des services » est désormais
une tendance durable.
Dans les faits, le secteur des services est devenu le plus important dans
pratiquement l’ensemble des pays de l’OCDE. En 2002, la contribution du
secteur des services y a atteint 70% de l’ensemble de la valeur ajoutée. De
même pour l’emploi, les services y ont fourni 70% du total des emplois des
pays de l’OCDE. D’autres taux plus élevés, autour de 75%, ont même été
observés au Canada, en Nouvelle-Zélande, au Royaume-Uni et aux Etats-Unis.
Pour ce qui est des investissements, la composition des IDE s’est déplacée
en faveur des services partout dans le monde. En 2004, le Rapport des
Nations Unies sur l’Investissement a mis en avant cette évolution et a
relevé l’importance des services dans la compétitivité des entreprises, et
ce, dans pratiquement tous les secteurs.
Les services qui ne représentaient guère qu’un quart des IDE dans le monde
en 1970, se sont hissés à près de 50% en 1990, et ont atteint en 2002, le
seuil de 60%, soit 4000 milliards de dollars. Durant la même période la part
de l’industrie a chuté de 42% à 34%.
En Tunisie, le gros de l’investissement a été plutôt effectué dans les
services traditionnels. Ainsi, le transport, les télécoms et la distribution
se sont accaparés en cumulé –voir figure 1- la part la plus grande avec près
de 70% du total des investissements en 2003. Ce résultat est naturellement
lié aux mégas projets d’infrastructures associés à ces secteurs.
Cependant, de nombreux autres
services continuent à ne pas recevoir assez de flux d’investissements, en
particulier les services liés aux affaires tels que les services IT,
communication, conseil,…etc.
Le point le plus important est que, si la Tunisie veut tirer avantage de la
« révolution des services », elle doit mettre en œuvre un processus de
transformation de son économie, s’appuyant sur la société du savoir.
Pour accélérer ce processus, on doit se demander si le développement du
secteur des services devrait être lié à la demande provenant des autres
secteurs traditionnels de l’économie (industrie et secteur public) ou s’il
devrait se baser sur la demande extérieure, et qui pourrait favoriser la
création de nouvelles activités dans les services.
Transition ou rupture?
Cette question est la pierre angulaire de toute politique de développement.
Traditionnellement, les pays utilisent la méthode de transition pour
développer leur secteur des services. La transition est un processus à moyen
terme, conduit principalement par des acteurs internes à l’économie, afin de
transformer des industries existantes. Ce processus a, en général un impact
négatif sur l’axe social ; par exemple, la fermeture de sites de production
au profit de nouvelles entreprises de services, pose le problème de
réinsertion professionnelle des salariés peu qualifié, qui se retrouvent au
chômage.
Au contraire, la politique de « création » est davantage liée au
développement de nouveaux créneaux d’activités et de nouvelles sources de
création de richesse, avec un impact positif sur l’axe social. C’est un
processus plus court terme et souvent conduit avec des acteurs externes à
l’économie.
Si la Tunisie choisi de mettre en œuvre l’une ou l’autre de ces approches,
les modèles internationaux à suivre diffèrent. Pour l’approche par
transition, les Etats-Unis et les pays Européens tels que la France sont de
bons modèles à suivre. Cependant, pour l’approche par création, les pays
offrant les meilleurs modèles de développement sont Hong-Kong et Singapour.
Afin d’analyser ces deux options, une bonne compréhension des forces
conduisant à la tertiarisation des économies est requise. En fait, il y a
quatre principaux facteurs du changement : la Mondialisation, les avancées
technologiques, les changements sociaux et les nouveaux « facteurs de
croissance ».
Il est clair que la Mondialisation a aidé certains services, tels que les
services de transport et logistique à se développer à l’échelle
internationale. De même, les changements sociaux tels que le prolongement de
l’espérance de vie et l’amélioration du niveau de vie ont aidé
respectivement le secteur de la santé et celui du tourisme.
En même temps, les facteurs de production traditionnels deviennent de moins
en moins significatifs pour soutenir une politique de développement. A titre
d’exemple, les industries “matures” ne peuvent plus garder longtemps leur
position de leader, en s’appuyant seulement sur la taille de leur marché et
leur capacité de production. L’industrie automobile nous en donne une bonne
illustration. Dans les années 80, les constructeurs automobiles Japonais ont
réussi à se hisser à la position de leader dans le monde grâce à la mise en
place de nouvelles techniques d’organisation et de management, tels que le
‘Just In Time’ et le ‘Lean Manufacturing’. Dix ans plus tard, ces techniques
sont devenues des standards chez tous les constructeurs américains et
européens.
Ceci est une remise en cause de la théorie économique établissant que la
capacité de production d’un pays repose principalement sur les trois
éléments : la terre, le capital et la main d’œuvre. De nos jours, ils ne
sont plus suffisants pour soutenir une croissance durable au sein d’une
économie basée sur les services. La production agricole ainsi que
l’extraction des ressources naturelles sont devenus des éléments de
commodités. Si un pays n’en dispose pas, il peut s’en procurer ailleurs. Le
capital financier est pratiquement disponible sans limite grâce aux marchés
financiers internationaux, du moment qu’on a un projet rentable, et enfin,
la main d’oeuvre ‘bon marché’ est quasi infinie dans les pays en
développement tels que la Chine, l’Amérique du Sud et l’Europe Centrale.
Ceci montre qu’on peut créer des avantages compétitifs autrement qu’en
s’appuyant sur des avantages pays. Aujourd’hui, les économies dépendent de
plus en plus de nouveaux “Facteurs de croissance” tells que l’innovation, la
connaissance, l’information et le capital humain. Ce sont là, les fondations
de la « Nouvelle Economie ».