[22/06/2006 10:36:25] PARIS (AFP) Une cinquantaine de viticulteurs ont manifesté jeudi matin devant le siège de la représentation de la Commission européenne à Paris, boulevard Saint-Germain (VIème), pour protester contre le projet de réforme du secteur vinicole européen présenté le même jour à Bruxelles. “Nous manifestons contre la vision ultra-libérale de la commission et contre l’arrachage massif préconisé”, a déclaré Jérôme Despey, ancien président des Jeunes Agriculteurs (JA) et futur président du comité viticole de Vinifhlor, le nouvel office qui va réunir les secteurs de la viticulture, de l’horticulture et des fruits et légumes. La Commission européenne présentera jeudi un projet de réforme du secteur vinicole européen pour éliminer la surproduction et riposter à la concurrence des vins du “Nouveau Monde”, un projet contesté par les professionnels. Le projet préconise notamment l’arrachage de 400.000 hectares de vignes dans les 5 ans à venir, la suppression des subventions communautaires pour la distillation et le stockage des surplus, et la mise en place d’actions de promotion avec l’argent économisé.
A l’origine du projet de l’exécutif européen figure un constat simple: la production de vin européenne est excédentaire par rapport à la demande européenne et aux exportations sur le marché mondial. Si l’UE reste de loin le premier producteur et exportateur mondial, avec 60% de la production en volume, sa position dominante est contestée par les nouveaux pays producteurs tels que l’Australie, les Etats-Unis (Californie) ou l’Argentine. Ceux-ci ont décuplé leur part dans les exportations mondiales en 20 ans, puisqu’ils détiennent maintenant 21,4% du marché contre seulement 1,7% au début des années 1980, selon une étude de l’Organisation internationale du vin. L’Australie est désormais le quatrième exportateur mondial derrière la France, l’Italie et l’Espagne, les champions européens. L’Union européenne exporte encore plus qu’elle n’importe: 13,2 millions d’hectolitres contre 11,8 en 2005. Mais les importations progressent au rythme de 10% par an depuis 10 ans. Cela alors que les Européens boivent de moins en moins de vin, une baisse lente mais régulière.
Résultat, selon les estimations de Bruxelles, la surproduction structurelle de l’Union européenne atteint 15 millions d’hectolitres par an, soit 8,4% de la production. Sans compter une quantité équivalente distillée chaque année en alcool de bouche, revendu aux producteurs de spiritueux à prix avantageux. Au total, stockage et distillation des surplus de vin représentent une dépense annuelle d’environ 500 millions d’euros, sur un budget communautaire vinicole total de près de 1,3 milliard d’euros. Pour Bruxelles, “toutes les mesures financées par le budget communautaire doivent être revues” afin qu’à l’avenir “l’argent soit bien dépensé”, selon le projet de réforme. Mariann Fischer Boel, la commissaire européenne à l’Agriculture, préconise donc un ensemble de mesures défensives et offensives, que les organisations de viticulteurs ont accueillies fraîchement. Pour diminuer la production, la Commission propose l’arrachage de 400.000 hectares de vignes — soit près de 12% des 3,4 millions d’hectares dans l’UE — dans les 5 ans à venir, assorti d’aides d’un montant maximal de 2,4 milliards d’euros.
Bruxelles veut aussi supprimer les subventions communautaires pour la distillation et le stockage des surplus de vin, qui pourraient être éventuellement remplacées par des aides nationales, à la charge des Etats membres. Avec l’argent économisé, des actions de promotion à l’exportation pourraient être lancées. Parmi les autres mesures offensives, la Commission prône une simplification de l’étiquetage des vins, car les multiples appellations et indications d’origine géographique déroutent les consommateurs, notamment à l’exportation. “La commissaire (Fischer Boel) souhaite faire table rase du passé” et éliminer “les aspects spécifiques de la culture millénaire du vin en Europe”, a dénoncé la Copa-Cogeca, la principale organisation européenne d’agriculteurs. “L’arrachage massif de vignes risque d’avoir un impact social et environnemental grave”, explique-t-on. “Le vin doit rester un produit agricole, en lien avec un territoire, et pas devenir un produit industriel uniforme”, note aussi l’organisation. Tout en reconnaissant un certain immobilisme des viticulteurs en matière de marketing, un expert français a souligné leur attachement à une culture spécifique difficilement compatible avec la standardisation des produits. “La conception entièrement libérale du marché agricole n’est pas valable”, estime cet expert, pour lequel “les outils de gestion de crise sont indispensables”. |
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