[02/07/2006 08:59:11] GENEVE (AFP) La énième crise dans les négociations du cycle de Doha a conduit samedi les négociateurs à confier au directeur général de l’OMC Pascal Lamy un rôle de “catalyseur”, un défi à risque mais aussi un pas vers le changement d’un fonctionnement menacé de paralysie. Dans cette organisation “pilotée par ses membres”, selon la formule consacrée, l’appel à une intervention beaucoup plus active du secrétariat genevois ne reflète pas seulement la présente incapacité des principaux acteurs à se mettre d’accord. Elle traduit aussi la difficulté, inhérente à une organisation comptant 149 pays membres dont chaque voix pèse en principe d’un poids égal, à dégager les consensus qui ont édifié le système commercial multilatéral. “Nous avons manifestement besoin d’un mode opératoire différent. C’est pour cela que les membres m’ont mandaté pour jouer le rôle de catalyseur”, a expliqué le directeur général après l’échec des discussions de Genève. Il s’est aussi dit “tout à fait conscient que cela pourrait aussi déboucher sur une promotion au rôle de bouc émissaire” en cas d’échec de cette mission de sauvetage d’un cycle qui est allé de fiascos en relances depuis son lancement en novembre 2001. “Les risques sont plus élevés pour moi mais les bénéfices seront plus grands pour les Etats membres”, a-t-il reconnu. Justifiant cette demande émanant des six principaux acteurs du cycle (UE, Etats-Unis, Brésil, Inde, Japon et Australie), le ministre brésilien des Affaires étrangères Celso Amorim a expliqué que Pascal Lamy pouvait “formuler des questions qu’il est parfois difficile (pour les négociateurs) de poser aux autres parce que cela implique d’échanger des positions de négociations”. Pour M. Amorim, Pascal Lamy connaît mieux que quiconque les cartes que chaque joueur tient encore dans son jeu. Le directeur général a une idée “assez précise” de l’équation qui permettrait un accord sur les “grands chiffres” clefs (baisse des tarifs et subventions agricoles, réduction des droits de douane industriels), confirme une source proche de l’OMC.
M. Lamy a indiqué samedi qu’il lancerait très rapidement une phase de consultations intenses, y compris au plus haut niveau politique, mais dans la discrétion. La clef du déblocage se trouvant à Washington, cela impliquera nécessairement la Maison Blanche, selon la même source. Le calendrier est très serré. Incapables de négocier entre eux, les principaux acteurs attendent néanmoins des résultats rapides. “Si nous ne changeons pas de cap dans les deux semaines, nous n’aurons pas de percée cet été dans les négociations et nous serons face à un échec”, a averti le commissaire européen au Commerce Peter Mandelson. S’il gagne ce pari risqué, Pascal Lamy aura fait un pas important vers la réforme d’une organisation qu’il avait qualifiée de “médiévale” quand il était encore au poste de M. Mandelson. “L’OMC, analyse un responsable européen, repose sur trois principes de base: consensus, engagement unique (rien n’est acquis tant que tout n’est pas acquis) et processus de décision de la base vers le sommet. Tout ceci conduit au blocage”. Pour sortir de cette impasse, un de ces trois éléments doit céder. “Il est clair que le 3ème est le plus facile à modifier”, explique cet expert. “On ne passe pas en 48 heures d’un processus dirigé de la base à une démarche où l’initiative viendrait du sommet”, avertit toutefois une source proche de l’OMC. Mais dans une organisation où le directeur général n’a même pas la maîtrise de l’ordre du jour des travaux, il y certainement place pour un meilleur équilibre. Rédigé sous la houlette de Peter Sutherland, ancien patron du GATT (ancêtre de l’OMC), un rapport récent recommandait d’ailleurs, entre autres changements, un renforcement du rôle du secrétariat et directeur général. Un chantier auquel M. Lamy devrait s’attaquer après la conclusion du cycle de Doha. |
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