[02/07/2006 19:13:15] PARIS (AFP) Sept ans après leur alliance, inédite dans une industrie automobile mondiale habituée aux fusions, le français Renault et le japonais Nissan envisagent de s’ouvrir au constructeur américain en difficulté General Motors pour un éventuel mariage à trois à l’équilibre délicat. Le milliardaire américain Kirk Kerkorian, actionnaire de GM, a annoncé vendredi qu’il avait proposé une alliance avec Renault et Nissan, une hypothèse que ces derniers se sont dits prêts à étudier. “Nous ne sommes pas dans un schéma de fusion. La proposition de Kirk Kerkorian est que GM puisse rejoindre l’alliance Renault-Nissan”, souligne-t-on chez Renault, en plaidant pour un “schéma original à l’efficacité désormais reconnue dans l’industrie automobile mondiale”. Cette alliance, nouée en 1999 et voulue par Louis Schweitzer alors que le reste de l’industrie s’adonnait aux grandes fusions, est destinée à favoriser les coopérations et réduire les coûts sans altérer l’identité et l’autonomie des constructeurs. Elle les lie par des participations croisées: Renault détient 44,4% de Nissan et le japonais possède 15% du français. Le ministre français de l’Economie Thierry Breton a déclaré dimanche sur Europe 1 qu’il serait “très attentif” au respect des “règles de gouvernance” dans la préparation d’une éventuelle alliance entre Renault/Nissan et l’Américain General Motors. “En tant que gardien de la place, je serai très attentif à ce que les règles de gouvernance soient respectées et à ce que l’on ne prenne pas de position avant que le conseil (d’administration de Renault – ndlr) soit consulté”, a indiqué le ministre, soulignant le caractère “un peu inédit” d’une telle opération. “C’est un actionnaire de General Motors qui a suggéré au groupe américain de faire partie de Renault/Nissan”, a-t-il rappelé. Selon lui, le conseil d’administration de Renault doit “se réunir dans les heures qui viennent, demain je crois”. Le conseil d’administration de Renault se penchera lundi sur “l’intérêt de donner suite” à la proposition d’un influent actionnaire de l’américain General Motors de rejoindre l’alliance Renault-Nissan, a confirmé dimanche à l’AFP une porte-parole du constructeur. Il a rappelé que l’Etat était actionnaire de Renault –à hauteur de près de 10%–, “un actionnaire heureux et qui fait confiance à la direction” du constructeur français. Renault et Nissan envisageraient de prendre en commun jusqu’à 20% du capital de GM, a rapporté samedi l’agence japonaise Kyodo News. “Au départ, le pari était jugé audacieux. Peu de monde croyait à son succès. Les résultats prouvent aujourd’hui que cela marche”, déclarait Carlos Ghosn au début de cette année. Il pilote l’alliance depuis mi-2005, comme PDG de Renault et de Nissan, deux groupes aux sièges distants de 10.000 km et aux effectifs cumulés dépassant 300.000 personnes.
Renault et Nissan constituent ensemble le quatrième groupe automobile mondial, derrière GM, Toyota et Ford, avec environ 6.129 millions de véhicules vendus en 2005 et près de 10% du marché. Depuis leur union, les deux constructeurs ont nettement amélioré leurs performances financières. Renault a dégagé en 2005 un bénéfice net record de plus de 3 milliards d’euros, dont les deux tiers provenant de Nissan. Le japonais, au bord de la faillite en 1999, a été redressé spectaculairement au prix d’une restructuration draconienne pilotée par Carlos Ghosn. L’alliance leur a permis notamment de combiner leurs atouts et de diminuer leurs coûts grâce à des organisations communes, des équipes de travail transverses, le partage de plateformes de production et de composants. Les deux groupes visent ainsi dix plateformes communes d’ici 2010 pour les voitures particulières et les véhicules utilitaires. Ce procédé très utilisé dans l’industrie automobile permet à des voitures de marques différentes mais de même catégorie de partager le maximum de composants communs, ce qui débouche sur des économies d’échelle. Renault et Nissan réalisent aussi plus de 70% de leurs achats en commun. Et près de 60% des fournisseurs approvisionnent désormais les deux constructeurs contre moins de 50% en 2004. Des synergies accrues sont possibles, avec la limite que Renault et Nissan font jusqu’alors leurs plus grands bénéfices grâce à des modèles avec peu d’éléments communs, les monospaces pour le premier et les 4×4 pour le second. Si cette alliance s’est révélée fructueuse, son équilibre reste subtil. Le rapport de force s’est ainsi inversé entre Renault et Nissan depuis 1999. Devenu un poids lourd de la Bourse de Tokyo avec une capitalisation 1,5 fois supérieure à celle de Renault, et un habitué des records de profit et de rentabilité, Nissan affiche une santé nettement meilleure que celle de son sauveur. “C’est un mariage de raison”, résume Carlos Ghosn, “et heureusement pour nous parce que ce sont ceux qui durent le plus longtemps”. |
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