De
passage à Tunis pour tâter le pouls du marché tunisien dans le secteur des
nouvelles technologies de l’information et de la communication, John Davies,
le vice-président et GM Customer Solutions Group chez Intel, a accordé
une interview à Webmanagercenter.com.
A souligner que cette interview s’est déroulée le 29 juin au Sheraton Tunis,
en présence de M. Khaled Elamrawi, Directeur du Platform Definition center
pour le Moyen-Orient, Turquie et l’Afrique, et de Ramla Jamel*, responsable
Programmes chez Intel.
Quel est l’objet de votre visite en Tunisie ?
Ma visite s’inscrit dans le cadre de l’approche que nous faisons pour
comprendre le marché tunisien, et par conséquent essayer d’adapter nos
programmes et produits en fonction des besoins du marché. En fait, les
programmes que nous développons sont essentiellement destinés aux marchés
émergents, et qui assurent la connectivité entre les personnes (Internet
entre autres).
Hier nous avons effectué une visite au Parc Elghazala des technologies
de la communication pour visiter les entreprises qui travaillent sur
notre plateforme ; on a également rencontré quelques assembleurs et
revendeurs tunisiens de nos produits. Aujourd’hui, nous allons rencontrer
des officiels du gouvernement tunisien pour comprendre les programmes qui
sont mis en place, tel que le PC familial, en vue de voir comment Intel
pourrait apporter sa contribution dans ce domaine.
Tout le monde reconnaît que les TIC constituent un véritable levier de
développement, mais leur transfert des pays du Nord vers ceux du Sud se
heurte souvent à des obstacles… Alors que peut faire Intel pour la Tunisie
en particulier, notamment dans l’effort de lutte pour la réduction de la
fracture numérique ?
D’abord, je puis dire que nous avons quatre centres d’innovation dans le
monde, Chine, Inde, Egypte et Brésil ; leur rôle est de développer des
produits adaptés aux besoins des différents pays et marchés.
La deuxième chose, c’est que, en travaillant sur la connectivité, nous
pensons pouvoir aider la Tunisie à avoir beaucoup plus de personnes
connectées à travers l’ADSL, le WiMax ou autres. D’ailleurs, lors de notre
visite au Parc, nous avons été agréablement surpris de constater qu’il y a
une entreprise tunisienne qui travaille déjà sur la connectivité sur
certains marchés africains, des marchés qui nous intéressent du reste.
Des rencontres sont prévues aujourd’hui avec des membres du gouvernement
tunisien, et nous essayerons de savoir quelle est la stratégie de la Tunisie
pour réduire la fracture numérique, et quels sont les programmes inscrits
dans le domaine de l’éducation et de la formation.
Avec les entreprises privées, il ne s’agit pas pour nous de leur donner nos
produits pour les assembler, mais plutôt pour les aider à construire des
choses, que ce soit au niveau du hardware ou du software. En outre, nous
allons les aider en matière de formation pour essayer d’attirer certaines
industries locales.
Entre Intel et Microsoft, il y a beaucoup plus de coopération que de
concurrence. Est-ce le fait que Microsoft prenne de plus en plus racine dans
la région MENA a pu déterminer quelque part la décision d’Intel à
s’intéresser à la Région, y compris le marché tunisien ?
Il est clair que Intel et Microsoft sont beaucoup plus complémentaires que
concurrents, en tout cas dans plusieurs domaines. Par exemple, Intel comme
Microsoft ont conçu des programmes pour aider les pays émergents, tel que le
low-cost PC. Sur ce plan, nous pensons qu’il est préférable d’être unis pour
réaliser un programme intéressant que de faire cavalier seul. Puis, il y a
les projets de WiMax, de low-cost PC, de formation des formateurs, des
programmes e-government, etc… qui sont des domaines où la collaboration est
nécessaire, et qui constituent des segments dans lesquels Intel et Microsoft
sont très avancés.
En outre, nous avons l’intention de proposer un low-cost PC qui ne va pas
trop bouffer de la mémoire ; c’est un domaine où nous pouvons collaborer
avec Microsoft, c’est-à-dire mettre en place un système d’exploitation qui
ne prendra pas beaucoup de mémoire.
Est-ce que vous pourriez nous parler de la stratégie d’Intel en matière
de développement, et quels sont les produits que l’entreprise est en train
de développer pour le futur ?
Notre objectif, c’est de permettre au prochain billion de personnes d’être
connecté à Internet. Par conséquent, nos
produits seront développés en vue d’atteindre cet objectif. De ce fait, nos
produits tiendront compte de trois choses : le coût (des produits bon
marché), la connectivité (c’est-à-dire des produits qui vont assurer la
connectivité à travers les différentes technologies, tel que le WiMax dont
on parle beaucoup en ce moment en Tunisie), l’éducation (ce qui va nous
permettre de nouveaux emplois). Tout ceci pour dire que nous allons mettre
en place des produits qui vont assurer une meilleure productivité.
Est-ce que Intel développe des produits standard ou bien vous le faites
en fonction des marchés, des régions…
En fait, nous créons des produits standard, par exemple pour les PC, mais
nous laissons des marges de manœuvres aux assembleurs -dans des marchés
particuliers- de gagner dans le coût d’installation de ces produits. Il
faut dire que nous fabriquons toujours des PC avec carte mémoire,
processeur, carte mère, etc., mais par contre, pour pénétrer un marché
particulier, on essaie de faire un PC non extensible mais qui marche, et qui
aura les mêmes caractéristiques que les autres PC. Tout ceci dans un esprit
de coût.
Toujours dans l’esprit de montrer qu’Intel fabrique des produits adaptés au
marché, nous avons fait des écrans et des PC… avec flash disque pour
l’éducation, c’est-à-dire des produits qui ne se brisent même quand ils
tombent, des produits développés par le PDC (Plateform Definition Center) en
Egypte –qui nous a aidé à développer des logiciels et des hardware tenant
compte des spécificités de chaque marché, d’une région particulière. C’est
pourquoi d’ailleurs nous avons mis en place les quatre centres que j’ai
cités plus haut, à savoir Egypte, Inde Chine et Amérique latine (Brésil). Le
PDC de l’Egypte va toucher toute la région MENA et l’Afrique, et travaille
beaucoup avec les entreprises locales ; nous comptons établir une synergie
avec les entreprises tunisiennes, puisque nous ne pouvons pas faire des
produits qui ne tiendraient pas compte des industries locales. Ce qui veut
dire qu’on essayera toujours de trouver un matériel software et hardware
adapté à chaque marché.
Concrètement, au Ghana et au Nigeria, nous avons le programme des WSIS PC ;
ces PC sont assemblés par des entreprises locales. On va essayer de
reproduire le même modèle en Tunisie, sinon il va devoir faire appel à une
entreprise en Inde ou en Chine.
Est-ce que cela veut dire qu’il n’y aura pas de PDC en Tunisie, pour le
moment du moins ?
Khaled Elamrawi : Il est très difficile d’avoir un PDC dans chaque
pays, et comme on vient de le dire, Intel n’a que 4 centres dans le monde.
Pour l’heure, la solution que nous envisageons, c’est de faire de la Tunisie
un pays relais pour essayer d’avoir les autres marchés de l’Afrique
subsaharienne, surtout que nous avons pu rencontrer des entreprises
tunisiennes qui sont déjà introduites en Afrique, à travers des
joint-ventures avec des entreprises locales en Afrique de l’Ouest.
Mais pourquoi vouloir s’introduire en Afrique alors que des pays comme le
Maroc ont des entreprises qui sont très bien implantées en Afrique ?
C’est peut-être vrai, mais j’ai été au Maroc où j’ai rencontré des
entreprises marocaines opérant dans le secteur des technologies… Cependant,
ce qui m’a impressionné en Tunisie, c’est de trouver une entreprise qui a pu
résoudre un problème de connectivité en Afrique qui tient compte des
contraintes coût locales… C’est extrêmement important.
JD : Nous essayerons de voir s’il est possible de faire un
partenariat avec cette entreprise dans ce domaine là, puisque cette
expérience nous importe énormément, et pourrait constituer pour nous une
opportunité de trouver des marchés en Afrique.
Par ailleurs, j’ai vu le programme du PC familial en Tunisie qui m’a
agréablement surpris… Cela va peut-être nous permettre de développer
d’autres programmes en Tunisie allant toujours dans la même direction.
Mais souvent dans les pays en voie de développement il y a un problème de
fonds pour investir. Est-ce que Intel pourrait apporter quelque chose dans
ce domaine là ?
En fait, c’est la synergie entre plusieurs acteurs qui nous permettra
d’avoir un low-cost PC, par exemple : les assembleurs dans le coût, les banques dans le financement, les gouvernements au niveau
des taxes, les télécoms pour avoir des prix spéciaux dans les connexions
Internet… Donc, Intel ne peut pas agir tout seul pour avoir des
prix compétitifs et bon marché… ; il faut un effort global.