Rosneft veut allier entrée à la Bourse de Londres et actionnariat populaire

 
 
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La façade du siège de Rosneft à Moscou le 23 décembre 2004 (Photo : Denis Sinyakov)

[03/07/2006 08:54:14] MOSCOU (AFP) “Deviens actionnaire de la compagnie Rosneft!”, proclame dans la presse russe depuis une semaine un encart publicitaire du groupe pétrolier public, qui allie plan d’entrée à la Bourse de Londres à une campagne inédite de vente d’actions au “peuple russe”.

Les rues de Moscou sont elles aussi envahies d’affiches vantant la “stabilité” du troisième producteur russe de brut et incitant les Russes à placer leur épargne dans les actions de ce groupe très controversé à l’étranger.

Son introduction en Bourse, prévue à Moscou et Londres à la mi-juillet, est attendue comme l’une des plus grosses de l’Histoire, et pourrait lui permettre de lever quelque 11,6 milliards de dollars alors que la valeur du groupe est estimée entre 60 et 80 milliards de dollars.

Rosneft, désireuse de faire oublier sa réputation sulfureuse de principale bénéficiaire de l’affaire Ioukos, fait aussi sa réclame à la télévision dans des spots entrecoupant les matchs de la Coupe du Monde.

Le journal des affaires Vedomosti moque cette campagne dans un dessin croquant un couple de Russes, l’air béat, assis face à leur télé sur un oléoduc faisant office de canapé.

Une telle opération est inédite en Russie.

“C’est une expérience”, reconnaît Peter O’Brien, directeur financier de Rosneft, alors que l’actionnariat populaire est encore peu développé en Russie où les marchés boursiers sont très volatils.

“C’est une très bonne idée, que le peuple russe, les babouchki (grands-mères), soient invités à bénéficier de la manne pétrolière!”, s’enthousiasme Eric Kraus, gestionnaire de portefeuilles du fond Nikitskii.

Les Russes devront cependant débourser au moins 15.000 roubles (555 dollars) pour devenir actionnaires de Rosneft, une somme conséquente dans ce pays où le salaire moyen dépasse à peine 10.000 roubles (370 dollars) par mois.

M. Kraus reconnaît le “côté populiste” de l’opération, voulant faire croire que le peuple russe peut ainsi s’approprier une partie des actifs pétroliers nationaux, dont le reste avait été soldé à une poignée d’oligarques dans les années 1990.

Le rétablissement du contrôle de l’Etat sur le secteur pétrolier avait servi de justification au démantèlement partiel de Ioukos, l’ex-numéro un du pétrole russe, dont la principale filiale de production, Iouganskneftegaz, avait été rachetée par Rosneft après une vente aux enchères controversée fin 2004.

Depuis, des procédures judiciaires ont été lancées par les anciens actionnaires de Ioukos contre Rosneft, qui mentionne explicitement ce risque dans son prospectus boursier, dont l’AFP a obtenu une copie.

Mais dans les brochures qui ont envahi les banques russes participant à l’opération de vente d’actions Rosneft aucune mention n’est faite des critiques sur la gestion opaque du groupe ni des poursuites liées à Ioukos.

“Je suis bien loin de tout ça”, explique Svetlana Artiomova, comptable de 45 ans, feuilletant une brochure de Rosneft dans une agence de la banque semi-publique Sberbank, dans le centre de Moscou.

“Tout achat d’action comporte son risque. Je n’ai moi-même jamais acheté d’actions, mais ce qui me plaît avec Rosneft, c’est qu’ils ont le soutien de l’Etat”, ajoute Svetlana.

Pendant ce temps, Rosneft a lancé une tournée internationale pour présenter aux investisseurs son introduction en Bourse, qui devrait représenter entre 13% et 19% de son capital.

Selon Vedomosti, les pétroliers chinois CNPC et Sinopec et l’indien ONGC seraient intéressés par l’acquisition d’actions du groupe.

Pour l’instant, rien n’a cependant filtré sur les résultats obtenus par cette ancienne petite compagnie d’Etat – dont le principal atout est le soutien du Kremlin – dans ses efforts pour convaincre les investisseurs occidentaux.

 03/07/2006 08:54:14 – © 2006 AFP