Arab Advisors Group, un groupe de conseillers, d’analystes et
de consultants spécialisés dans les télécommunications, les médias et les
marchés de technologie dans le Monde arabe, a analysé en profondeur 18
opérateurs de téléphonie fixe et 39 opérateurs de téléphonie mobile dans 18
pays arabes. Avec l’arrivée de nouveaux opérateurs en 2005, les abonnés des
ces opérateurs ont atteint 84.844 millions. Les opérateurs cellulaires ont
enregistré 34 millions de nouveaux abonnés pour l’année 2005 tandis que les
lignes fixes ont enregistré seulement 2,4 millions de nouveaux abonnés.
C’est la conclusion d’un rapport publié par ce groupe. Ce récent rapport
étudie en détail la situation de la téléphonie dans le Monde arabe à l’aide
de comparaisons analytiques et d’examen de performances en termes de nombre
absolu d’abonnés, de taux de pénétration, d’ARPU (Average Revenue Per User),
de parts de marché et de rapports financiers.
En ce qui concerne le nombre d’abonnés, Aldjawal d’Arabie saoudite et
Maroc Telecom ont maintenu leur avance à fin 2005 avec 11.845 millions et 8
237 millions d’abonnés respectivement tandis qu’Orascom Télécom Algérie
(OTA) a enregistré 7,109 millions d’abonnés à la fin 2005, ce qui fait d’Orascom
le troisième plus grand opérateur mobile dans la région. A propos du taux de
pénétration, Bahreïn, avec 108%, enregistre le taux de pénétration
cellulaire le plus élevé en 2005 suivi des Emirats arabes unis avec 99%.
Pour ne pas en rester là, ces deux pays ont également enregistré le taux de
pénétration le plus élevé pour la téléphonie fixe avec 27 et 26,6%
respectivement. Pour ce qui est des recettes des opérateurs mobiles dans le
Monde arabe, la moyenne simple de l’ARPU par utilisateur était de 26 dollars
pour la ligne mobile et de 45,7 dollars pour la ligne fixe et c’est Qtel du
Qatar qui a enregistré l’ARPU le plus élevé pour le fixe et le mobile.
Une «fracture» omniprésente
Pour ce qui est du taux de croissance en nombre d’abonnés, les opérateurs
cellulaires en Algérie, en Egypte et en Arabie saoudite ont enregistré le
plus grand nombre de nouveaux abonnés. Avec 3,731 millions de nouveaux
abonnés, Algérie Télécom a enregistré le plus fort taux, quant à Telecom
Egypte, c’est dans le fixe qu’elle marque le nombre le plus élevé de
nouvelles lignes, soit 900.000 pour l’année 2005. Wataniya Telecom Algérie (WTA)
a enregistré le taux de croissance le plus élevé, 413,2%, suivi de MTC
Atheer (339,1%).
Quant à la ligne fixe, l’opérateur ITPC d’Irak a enregistré le taux de
croissance le plus élevé (82%) alors que les lignes fixes au Soudan, en
Jordanie et au Bahreïn ont enregistré un déclin.
Si la téléphonie a connu un «boom» dans les pays arabes, ce n’est pas le cas
d’Internet. La fracture numérique tant décriée lors du Sommet mondial sur la
société de l’information (SMSI) dont la première phase s’est tenue à Genève
et la seconde à Tunis, freine leur développement. «La présence arabe sur le
réseau mondial est presque nulle». Cette déclaration du ministre syrien des
Télécommunications, Amr Salem, en marge de la Conférence mondiale sur le
développement des télécommunications à Doha (Qatar), en a surpris plus d’un.
Le Monde arabe n’aurait-il réussi qu’à raccrocher les wagons de queue du
train à grande vitesse de la révolution numérique ? Un chiffre traduit
clairement ces inquiétudes : la moyenne du taux de pénétration d’Internet
dans les 22 pays de la Ligue arabe n’est que de 3,7%, soit 12 millions
d’internautes pour une population totale de 316 millions. A titre de
comparaison, les Etats-Unis affichent un taux proche de 60%, l’Europe des
35%, le Brésil 11%, la Chine 10% et l’Afrique 3%. De plus, ces 12 millions
d’internautes arabes ne représentent que 2% du nombre d’utilisateurs
d’Internet dans le monde.
Marketing, communication et publicité
Le secteur des télécommunications en Algérie connaît depuis trois années des
mutations considérables et profondes. La loi de août 2000 (loi 2000-03) a
supprimé le monopole sur ce secteur névralgique, séparant les activités
d’exploitation de la poste de celles des télécommunications. Cela donne la
possibilité à des opérateurs privés et étrangers d’y investir. La loi du 5
août 2000 relative aux télécommunications prévoit trois régimes pour
l’investissement dans ce secteur : la licence, l’autorisation et la simple
déclaration. Cela a permis la création de deux nouveaux opérateurs (Djezzy
et Nedjma) en plus de l’opérateur historique Mobilis, suscitant une
véritable révolution dans la téléphonie en Algérie. Le taux de pénétration
de la téléphonie connaît un essor considérable. La télédensité a grimpé à
50,3% selon les estimations de l’ARPT et les chiffres qui lui sont transmis
par les opérateurs eux-mêmes. L’ARPT serait bien inspirée de lancer une
enquête sur les internautes en Algérie et lui permettant de mettre sur le
marché des chiffres pour d’éventuels investisseurs dans le domaine de
l’Internet. Derrière cette évolution se cache une lutte sans merci entre les
trois opérateurs. Elle se joue sur trois terrains : le marketing, la
communication et la publicité. Le téléphone cellulaire se distingue par les
services voix chez Djezzy alors que Mobilis et Nedjma ont misé en grande
partie leur stratégie de développement sur le multimédia. En peu de temps,
plusieurs jeunes ont succombé ainsi à la mode du mobile, un objet de luxe
devenu tout d’un coup à la portée de la majorité et qui a incontestablement
bouleversé la vie de chacun. Dans le secteur des nouvelles technologies,
l’Algérie apparaît actuellement comme le plus gros marché de l’espace
euro-méditerranéen. L’attrait pour les TIC est un phénomène de société bien
réel. Le système d’autorisation pour l’ouverture des cybercafés a été aboli
en 2000 au profit d’un simple enregistrement.
«Dardasha» du côté du Nil
Yves Gonzalez-Quijano, maître de conférences à l’université Lumière Lyon 2,
a écrit : «L’observateur ne peut manquer d’être frappé aujourd’hui par la
multiplication d’indices marquant une familiarité toujours plus grande des
sociétés arabes avec Internet. Son usage ne se limite plus à quelques
cercles restreints de privilégiés mais gagne désormais des secteurs de la
population de plus en plus larges, à tel point qu’il est devenu fréquent, y
compris pour des travailleurs manuels culturellement démunis, de joindre
leurs familles restées au loin par le biais de la nouvelle technique ;
l’espace urbain le plus commun, celui des banlieues déshéritées ou des
bourgades les plus recul&e acute;es, est à présent colonisé par la Toile, à
laquelle on accède, faute de disposer d’un équipement personnel, à partir de
points de consultation souvent liés aux magasins d’informatiques lesquels
offrent, au surplus, un espace de rencontres à la jeunesse». Dans la
bouillonnante métropole du Caire, on parle désormais ainsi de «dardasha»
pour évoquer le chat en ligne, pratiqué par des internautes, notamment
féminins, de plus en plus nombreuses. L’expérience des «nouveaux médias» que
furent, en leur temps, la radio, la télévision ainsi que les multiples
supports de la communication moderne (cassettes, fax, CD-Roms) incite
certainement à faire preuve de la plus grande méfiance vis-à-vis des
prophéties optimistes sur le rôle libérateur des médias de masse.
L’éducation, la non-familiarisation avec l’outil informatique, les carences
linguistiques, l’analphabétisme dont souffrent 40% de la population
expliquent les limites de son usage. Cet outil de communication, utilisé
majoritairement par les jeunes (70% des internautes arabes auraient entre 20
et 30 ans), suscite les craintes de certains milieux conservateurs qui y
voient un danger et craignent pour l’avènement d’un changement radical des
sociétés arabes par le numérique.