[11/07/2006 08:58:43] MOSCOU (AFP) La compagnie pétrolière russe Rosneft, qui doit boucler cette semaine la souscription de ses actions pour son introduction en Bourse, la plus importante jamais réalisée par un groupe russe, semble avoir réussi à convaincre les investisseurs malgré son parfum de scandale. La compagnie publique annoncera vendredi à quel prix elle a placé ses actions, donnant une indication plus précise sur le succès de cette opération appuyée par le Kremlin, et les titres Rosneft commenceront à être échangés sur les Bourses de Londres et de Moscou mercredi 19 juillet. Mais, selon des sources concordantes, la demande excède déjà l’offre et l’opération devrait être couronnée de succès malgré une mauvaise conjoncture sur les marchés boursiers. “Le livre d’ordres est déjà sur-souscrit et la demande gagne en intensité”, a déclaré une responsable d’une des banques conseil du groupe sous le couvert de l’anonymat. Le titre est proposé à un montant compris entre 5,85 et 7,85 dollars avec pour objectif de lever un minimum de 8,5 milliards de dollars et jusqu’à 11,6 milliards de dollars. Ce qui valorise Rosneft à 60 à 80 milliards de dollars. La compagnie a pour cette opération démarché les investisseurs individuels russes à grand renfort de publicité, mais aussi les principales places financières mondiales et une quinzaine de majors pétrolières à qui elle aurait proposé de prétendre à une participation de 5% afin de faire monter les prix, selon des informations de presse. Malgré le prix considéré comme élevé de l’action, plusieurs compagnies sont désireuses de rendre ce service au Kremlin afin de s’acheter un ticket d’entrée dans le pétrole russe en vue de futurs projets. Le premier groupe pétrolier indien, ONGC, envisage ainsi d’investir jusqu’à trois milliards de dollars dans des actions Rosneft, ont annoncé les autorités indiennes. Le groupe chinois CNPC et le malaisien Petronas seraient également tentés, ainsi que le britannique BP. Selon le Financial Times, Roman Abramovitch, première fortune de Russie, a aussi accepté de présenter une offre pour faire monter les enchères, et le magnat de l’aluminium Oleg Deripaska se tiendrait aussi en réserve, d’après la presse russe. Reste à savoir quelle participation ces investisseurs stratégiques pourront finalement décrocher, le président de Rosneft Sergueï Bogdantchikov ayant fixé fin juin la limite de 2% du capital du groupe pour chacun des investisseurs. Rarement une introduction en Bourse, pourtant, aura été aussi controversée. Du financier américain Georges Soros à l’opposition russe en passant par les actionnaires du groupe pétrolier Ioukos, de nombreuses personnalités ont incité publiquement à boycotter cette opération qui apporte une légitimité à la politique pétrolière du Kremlin. C’est que le principal atout de Rosneft est une filiale arrachée à Ioukos, l’ex-numéro un du pétrole russe, acculé à la faillite après une vaste campagne judiciaire considérée comme orchestrée par le Kremlin. L’acquisition de cette filiale, Iouganskneftegaz, fin 2004 dans des conditions troubles et pour une fraction de son prix, a permis à Rosneft de tripler sa production de pétrole à 1,5 million de barils par jour pour devenir le deuxième groupe pétrolier russe, et de presque quintupler son bénéfice net l’an dernier à 4,1 milliards de dollars. L’ex-conseiller économique du président russe Andreï Illarionov estime, lui, que l’entrée en Bourse de Rosneft est un “crime contre le peuple russe” car “pas un kopeck n’ira au budget russe”. Les fonds dégagés doivent rembourser quelque 8,5 milliards de dollars de crédits (plus frais et impôts) contractés pour l’achat l’an passé de plus de 10% des actions du géant gazier Gazprom, ce qui a permis à l’Etat russe d’acquérir une majorité de contrôle du groupe. |
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