Béni par Bruxelles en 2004, le mariage Sony-BMG remis en cause par la justice européenne

 
 
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Le siège de Sony Music à Tokyo (Photo : Toshifiumi Kitamura)

[13/07/2006 14:29:15] BRUXELLES (AFP) La justice européenne a annulé jeudi le feu vert donné à l’été 2004 par la Commission européenne au mariage entre Sony et BMG, remettant en cause l’une des principales opérations de concentration de l’industrie du disque de ces dernières années.

“C’est un grand tournant, un jugement qui fera date dans l’histoire de la musique”, a réagi Patrick Zelnick, le président du syndicat européen des labels indépendants Impala.

S’il ravit les indépendants qui avaient contesté fin 2004 la décision de Bruxelles devant la justice européenne, cet arrêt écorne une nouvelle fois la crédibilité de la Commission.

Très rare, cette décision signifie en effet que les services européens de la Concurrence – pour une fois jugés trop laxistes – vont devoir réexaminer le dossier.

En janvier 2004, ils s’étaient déjà penchés sur ce rapprochement entre Sony Music, filiale du géant japonais de l’électronique grand public, et BMG, pôle musique de l’allemand Bertelsmann.

Dans un premier temps, la Commission avait jugé que cette fusion, qui devait donner naissance au numéro deux mondial du secteur, posait de sérieux problèmes de concurrence.

Elle réduisait en effet de cinq à quatre le nombre de majors (Universal, SonyBMG, Warner et EMI) qui se répartissaient 80% du marché européen du disque.

En mai 2004, le commissaire à la Concurrence d’alors, Mario Monti, avait clairement conclu que la concentration devait être interdite car elle renforcerait “la position dominante collective” des majors.

Mais le 19 juillet 2004, il avait opéré un virage à 180 degrés et béni le mariage. Il estimait notamment que les promotions sur les prix des CD réduisaient la transparence car chaque major fixe ces rabais individuellement et de façon relativement opaque.

Or, si les prix ne sont pas transparents, les maisons de disques ne peuvent se coordonner tacitement sur les prix et entretenir une position dominante collective.

Jeudi, le Tribunal de Première instance de la Cour européenne de Justice (CEJ) a estimé que la décision de la Commission était “entachée d’erreurs”.

“Bien que la transparence constitue (…) le motif essentiel, voire unique, sur lequel repose l’assertion qu’il n’existe pas de position dominante collective”, la Commission n’a jamais démontré que “le marché était opaque”, regrettent les juges.

Sony et BMG doivent désormais renotifier leur fusion dans les 7 jours. Théoriquement, la Commission pourrait y mettre son veto, ce qui contraindrait au divorce les deux maisons de disque.

Pourtant, une telle hypothèse est plus qu’improbable. Bertelsmann a d’ailleurs assuré jeudi que cette décision “n’affectait pas la validité de la société commune” Sony-BMG. Sony Music n’a pas immédiatement réagi.

Selon plusieurs experts, soit la Commission rendra un feu vert mieux argumenté, soit elle l’assortira de quelques conditions visant à réinjecter plus de concurrence.

Plus que pour Sony et BMG, c’est pour leurs concurrents que l’arrêt risque d’avoir de graves conséquences.

Une telle décision “ferme les portes” à un rapprochement entre EMI et Warner Music, estime le professeur belge en droit de la concurrence Jean-François Bellis. Le titre EMI a d’ailleurs perdu jeudi jusqu’à 10% sur la Bourse de Londres.

Après deux tentatives avortées, le britannique et l’américain discutent depuis quelques mois d’un nouveau rapprochement.

Une telle fusion serait d’autant plus difficile à faire avaler à Bruxelles que seuls 3 majors contrôleraient le secteur, EMI et Warner détenant ensemble 24,7% du marché du disque, derrière Universal (25,5%) et devant Sony BMG (21,5%).

Pour Patrick Zelnick, l’arrêt de jeudi “bloquera toute nouvelle fusion” et permettra que les conditions d’accès au marché soient meilleures pour les indépendants.

 13/07/2006 14:29:15 – © 2006 AFP