Les
pays producteurs de pétrole de la région du Moyen-Orient et d’Afrique du
Nord gèrent avec sérieux les profits qu’ils réalisent en épargnant de
l’argent du pétrole, en remboursant leurs dettes et en créant des fonds de
stabilisation des hydrocarbures, indique un rapport de la Banque mondiale.
Le comportement des pays producteurs de pétrole est très différent
aujourd’hui de ce qu’il était au cours des booms pétroliers des années 1970
et 1980, marqués par des dépenses parfois effrénées, selon le rapport
consacré aux marchés financiers à une nouvelle ère pétrolière.
Ces pays avaient alors contracté des dettes importantes pour financer leur
expansion en tablant sur le maintien à terme des cours élevés du pétrole,
mais lorsque les prix du pétrole ont chuté, beaucoup se sont retrouvés avec
des dettes très élevées. Cette fois-ci, ils réalisent qu’ils ne peuvent pas
continuer à faire ce qu’ils ont fait dans le passé, dit Jennifer Keller,
économiste principale au bureau du chef économiste pour la région
Moyen-Orient et Afrique du Nord, et l’un des principaux auteurs du rapport.
A titre d’exemple, à la fin de 2005, l’Arabie Saoudite dont la dette
intérieure se montait à 97% de son PIB en 2002, avait réduit cette dernière
à 41%. Au cours de cette même période, elle a transformé le déficit de ses
finances publiques de près de 6% du PIB en 2002 en un excédent de 8,4% du
PIB en 2005.
Le rapport note également une corrélation de plus en plus grande entre les
cours du pétrole et les taux de croissance réalisés par les pays producteurs
de pétrole et importateurs de main-d’œuvre, ce qui n’avait pas toujours été
le cas au cours des booms pétroliers précédents.
Les exportations de pétrole des pays riches en ressources et importateurs de
main-d’œuvre, comme l’Arabie Saoudite, les Emirats Arabes Unis (UAE), le
Koweït, le Qatar, la Libye, Oman et Bahreïn, ont plus que doublé au cours
des trois dernières années, passant de 186 milliards de dollars en 2002 à
440 milliards de dollars en 2005.En même temps, la croissance moyenne de
leurs économies a atteint 7% en 2005, avec pour résultat de rehausser la
croissance moyenne de la région qui a atteint 6%, contre 5,6% en 2004 et
3,5% vers la fin des années 1990. Les économies riches en pétrole et
disposant d’une main-d’œuvre abondante, comme l’Iran, la Syrie et le Yémen,
ont également affiché des taux de croissance satisfaisants compris entre 5
et 6%.
La hausse des prix du pétrole, qui fait le bonheur des producteurs de
pétrole, n’a pas du tout le même effet sur les économies pauvres en
ressources de la région, souligne le rapport. L’Egypte, Djibouti, la
Jordanie, le Liban, le Maroc et la Tunisie ont affiché une croissance
moyenne de 4%. Le taux de croissance du Maroc est tombé de 6,3% en 2004 à
1,5% en 2005, tandis que la croissance économique au Liban enregistrait une
décélération brutale, chutant de 6% en 2004 à 1% en 2005. Le rapport
constate que les prix du pétrole n’ont plus pour les économies des pays
pauvres en ressources les retombées qu’elles avaient dans le passé et que la
relation entre la croissance économique de ces pays et les prix du pétrole
s’est considérablement affaiblie.
Les raisons sont multiples : moins d’aide de la part des pays riches en
pétrole, moins d’opportunités d’emplois pour les travailleurs arabes dans le
Golfe et moins de flux monétaire des pays riches en pétrole vers les pays
pauvres en ressources. De plus, les pays pauvres en ressources utilisent
aujourd’hui plus d’énergie qu’ils ne le faisaient il y a 20 ou 30 ans et,
par conséquent, ils doivent importer de plus grandes quantités d’un pétrole
plus cher. De plus, comme tous les pays de la région, ils maintiennent un
système de subvention du pétrole qui garde les prix de l’essence et du
diesel bien en dessous des prix du marché.
Les subventions du pétrole constituent un fardeau majeur pour toutes les
économies de la région Moyen-Orient, mais il est souvent politiquement
difficile de les abandonner, affirme Mustapha Nabli, chef économiste de la
Banque mondiale pour la région Moyen-Orient et Afrique du Nord. Cependant,
le rapport note que dans d’autres domaines, les réformes font des progrès
dans l’ensemble de la région. Les pays pauvres en ressources ont apporté des
réformes importantes à l’environnement des affaires et à l’environnement
juridique. Dans l’ensemble, la région a également fait des progrès en
matière de réformes des structures de gouvernance, mais il reste du chemin à
parcourir, car dans ce domaine elle reste très en retard par rapport au
reste du monde.