[25/07/2006 13:25:10] GENEVE (AFP) La suspension des négociations à l’OMC risque de signer l’arrêt de mort du cycle de Doha sur un nouvel ordre commercial mondial, faute de consensus politique aux Etats-Unis à propos de l’agriculture, estimaient mardi les analystes. “Est-ce que la suspension du cycle risque d’entraîner sa mort? La réponse est oui”, a reconnu le patron de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), Pascal Lamy, après avoir renoncé à obtenir un accord d’ici la fin de l’année. Au mieux, les cinq années de négociations lancées à Doha en 2001 risquent d’être au réfrigérateur pour longtemps, les différents comités de négociations thématiques (agriculture, produits industriels, services…) cessant de se réunir. M. Lamy s’est refusé à fixer une date pour une reprise des travaux, laissant ce soin aux 149 Etats membres. “Cela ne veut pas dire qu’il n’est pas possible de redémarrer à l’avenir. Mais pour être franche, je pense que ce n’est en aucun cas à portée de main. Seul le temps dira si la pause est définitive”, a observé la commissaire européenne à l’Agriculture, Mariann Fischer Boel. Les six grands acteurs de l’OMC (Australie, Brésil, Etats-Unis, Inde, Japon, Union européenne) n’ont pas pu s’entendre lundi lors d’une réunion de la dernière chance. Brésil, Inde et UE ont publiquement accusé les Américains d’être responsables de l’impasse en refusant de réduire davantage leurs subventions agricoles. L’échec, qui finalement profite à certains pays, a enterré tout espoir de parvenir à un accord avant l’expiration des pouvoirs spéciaux de négociation commerciale de l’administration américaine, le 30 juin 2007. Ces pouvoirs permettent à la Maison Blanche de négocier des accords commerciaux puis de les soumettre au Congrès pour approbation sans que les parlementaires aient le pouvoir de les amender.
L’administration Bush risque d’hésiter à s’engager dans une bataille politique à l’issue incertaine et le prochain président ne sera pas en fonctions avant janvier 2009. “On peut peut-être espérer une reprise des négociations en 2009 ou en 2010 avec une nouvelle administration américaine”, espère Jean-Pierre Lehmann, directeur du Groupe d’Evian, centre de réflexion favorable au libre-échange. Le problème, “c’est que personne ne veut abaisser les barrières douanières”, estime Alan Oxley, un ancien responsable du Gatt, l’ancêtre de l’OMC. La seule solution selon lui est d’attendre trois ans que de nouvelles équipes soient en place aux Etats-Unis comme en Europe. “Si à cette date il n’y a toujours pas d’appétit pour de vraies réductions des barrières douanières, le temps sera venu de décider de ce qu’il faut faire du cycle de Doha”. Dans la plupart des pays participants, le personnel politique pense qu’il a plus à perdre qu’à gagner d’une libéralisation du commerce, face au poids des groupes de pression (agricoles dans les pays riches et industriels dans les pays du Sud). “Aucun homme politique n’a voulu perdre ce soutien qui risque de n’être pas compensé par ailleurs”, observe Jean-Pierre Lehmann. “Les forces qui voulaient l’échec du cycle étaient beaucoup plus fortes, beaucoup plus cohérentes que celles qui voulaient sa réussite”. Certes, le précédent cycle de négociations, l’Uruguay Round (1986-1994), avait aussi été suspendu pendant trois ans. “Mais la configuration est entièrement différente”, souligne M. Lehmann: l’Uruguay Round opposait surtout Européens et Américains, tandis que les grands pays émergents comme le Brésil et l’Inde jouent un rôle crucial dans le cycle de Doha. Selon lui, l’émergence de la Chine rend de nombreux pays en développement de moins en moins enclins à ouvrir leur marché. Placer les négociations sous le signe du développement des pays pauvres a en outre aliéné certains milieux économiques occidentaux qui n’ont pas vu l’intérêt du cycle, estime-t-il. |
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