La crise à l’OMC, plus grave qu’à l’époque du cycle de l’Uruguay

 
 
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Le siège de l’OMC à Genève (Photo : Fabrice Coffrini)

[26/07/2006 16:04:49] GENEVE (AFP) Le blocage des négociations à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) paraît plus grave que celui qui avait frappé le cycle de l’Uruguay au début des années 1990, estiment mercredi des experts qui s’inquiètent de l’acrimonie entre les Etats-Unis et l’Union européenne.

La rupture lundi des négociations entre les six grands acteurs de l’OMC (Australie, Brésil, Etats-Unis, Inde, Japon, UE) a renvoyé certains participants à la fin de 1990, lorsqu’avaient échoué à Bruxelles les négociations du Gatt (Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce), l’ancêtre de l’OMC.

Tout comme aujourd’hui, cinq années de tractations avaient achoppé sur un différend euro-américain à propos de l’agriculture.

Il avait fallu attendre deux ans pour que la négociation reprenne, avant de déboucher fin 1994 sur la création de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), après un record de huit années de négociations.

Se voulant optimiste, le secrétaire américain à l’Agriculture, Mike Johanns, a appelé lundi les protagonistes à tout faire pour relancer les travaux. “Si vous regardez l’histoire du cycle de l’Uruguay, vous verrez qu’il s’est arrêté et a redémarré plusieurs fois”, a-t-il observé.

Mais la situation de l’actuel cycle de Doha, lancé en 2001 dans la capitale du Qatar, paraît plus grave à David Hartridge, ancien directeur des négociations du Gatt à l’époque du cycle de l’Uruguay, le huitième cycle depuis le lancement du système multilatéral en 1947.

“Il n’y a jamais eu de suspension formelle du cycle de l’Uruguay”, rappelle-t-il, alors qu’à l’inverse, les 149 pays membres de l’OMC s’apprêtent à décréter jeudi officiellement une pause sine die des négociations.

Fin 1990, “tout le monde savait que les négociations n’étaient pas finies”, ajoute M. Hartridge.

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Le directeur général de l’OMC Pascal Lamy, le 24 juillet 2006 à Genève (Photo : Fabrice Coffrini)

Un an plus tard, le directeur général du Gatt, le Suisse Arthur Dunkel, prenait les choses en mains et soumettait aux pays membres son propre projet d’accord commercial, qui sauvegardait les acquis de la négociation.

“Il lui a fallu du courage. Il y a eu des critiques”, se souvient M. Hartridge, plusieurs grandes puissances reprochant au patron du Gatt d’outrepasser ses prérogatives.

L’actuel directeur général de l’OMC, Pascal Lamy, s’est refusé à suivre l’exemple de M. Dunkel, précisant que ce dernier ne gardait pas un bon souvenir de l’expérience.

Le “vrai tournant” interviendra à la fin de 1992 avec l’accord de Blair House à Washington entre les Etats-Unis et l’Europe, qui a jeté les bases du compromis final sur l’agriculture.

Américains et Européens ont tenté de refaire la même chose à l’été 2003, avant la désastreuse conférence de l’OMC à Cancun (Mexique), mais n’ont réussi qu’à s’aliéner les pays en développement, qui ont rejeté un projet trop laxiste envers les subventions agricoles des pays riches.

Cette fois, l’échec des négociations a suscité des récriminations acerbes entre Washington et Bruxelles, qui se sont mutuellement rejeté la responsabilité du blocage.

Comme il y a quinze ans, les négociations sont soumises au calendrier politique américain, avec l’expiration des pouvoirs spéciaux de négociation commerciale du Congrès le 30 juin 2007. Personne ne s’attend à ce que la Maison Blanche en obtienne la prorogation, ce qui rendra impossible dans l’immédiat une reprise de la négociation internationale.

A l’époque, “il y avait des intérêts industriels très importants aux Etats-Unis comme en Europe qui voulaient vraiment que ça marche”, rappelle M. Hartridge. “Il n’est pas sûr que le panier actuel soit suffisamment intéressant pour mobiliser les gens en faveur d’un renouvellement” de ces pouvoirs spéciaux.

 26/07/2006 16:04:49 – © 2006 AFP