En Irak, la Bourse et la vie

 
 
SGE.USD56.280706095215.photo00.quicklook.default-245x167.jpg
Des Irakiens notent sur un tableau les variations des cours de la Bourse, le 25 juillet 2006 à Bagdad (Photo : Sabah Arar)

[28/07/2006 09:52:37] BAGDAD (AFP) “Quand je vais à la Bourse, je lis le Coran, les sourates qui peuvent me protéger. Il faudrait que je vienne deux fois par semaine. Je viens une fois par mois et je me considère comme un héros”, affirme Fadhil Abou Mohamed, un petit porteur de la Bourse de Bagdad.

La Bourse irakienne est située dans le quartier de Karrada, meurtri par un attentat qui a fait 31 morts jeudi. Son entrée est entourée de sacs de sable et gardée par des hommes en armes.

La Bourse, où sont cotés 90 titres, est en chute libre. Certains titres ont perdu près de 80% de leur valeur par rapport à la fin 2005, selon le Dr Talib Tabatabaie, président du Board de la Bourse.

Selon le chiffre publié sur internet par la bourse irakienne, la place a perdu un tiers de sa valeur depuis janvier pour atteindre 1,28 milliard d’euros en juin. Ceci, sans compter l’inflation estimée à 25% par an, selon des estimations américaines.

“La Bourse est le reflet de l’économie. L’économie tourne au ralenti en raison de l’insécurité, donc la valeur de la Bourse baisse. Mais, en plus, l’activité est faible à la Bourse elle-même car il est dangereux de circuler en ville et donc de venir ici”, analyse Haïtham Saman, un courtier de Babylon Broking Company.

“La sécurité décide des prix”, explique Rita Eliyas, une courtière chez la Baghdad Bank. “Il y a eu des périodes où je n’ai pas pu venir pendant un mois. J’ai perdu tous mes clients”.

SGE.USD56.280706095215.photo01.quicklook.default-245x164.jpg
Des Irakiens à la Bourse de Bagdad, le 25 juillet 2006 (Photo : Sabah Arar)

“L’insécurité est le clou auquel sont suspendus tous les problèmes de l’Irak”, résume Fadhil Abou Mohamed, retraité, qui affirme avoir perdu une fortune en raison des évènements.

“J’avais acheté 100.000 actions de Modern Painting à 3,25 dinars +suisses+ (les Irakiens surnomment ainsi les dinars de l’ancien régime imprimés en Suisse) chacun, soit 3 dollars (2,3 euros). Aujourd’hui, cette action vaut 2,7 dinars. Avant, j’aurais pu acheter un immeuble, marier cinq ou six enfants. Aujourd’hui, cela ne te permet même pas d’acheter une chambre à coucher”.

“Il faut que les riches Irakiens qui ont mis leur argent à l’étranger reviennent. Ce sont eux qui faisaient le marché avant. Mais avec l’insécurité, c’est difficile. Si la sécurité revient, ils reviendront”, estime Mohamed Kassel, 54 ans, petit porteur, ancien ingénieur dans le pétrole.

Malgré la situation, tous attendent beaucoup de la nouvelle loi sur l’investissement étranger, en discussion au Parlement. Les droits des investisseurs étrangers sont le problème central en raison du risque de vendre le pays.

“Il y a des négociations au Parlement. C’est difficile. Mais il y a des moyens de contrôle sur lesquels je ne veux pas m’exprimer. L’investissement étranger nous ferait du bien. Les étrangers viendront pour servir (leurs intérêts) mais ils serviront aussi nos intérêts”, analyse le Dr Tabataie.

Selon un responsable de la Bourse qui a requis l’anonymat, ces moyens de contrôle pourraient être un seuil maximum de propriété ou une obligation de s’associer.

“De toute façon, cela ne peut qu’aller mieux. Les prix vont remonter. Inch’allah”, affirme Wiham Woudma Anton, une comptable qui a investi 100.000 dinars (53 euros) dans la Bourse alors que son salaire est de 225.000 dinars (120 euros).

“Les prix sont trop bas. Les actions s’échangent à un prix de 5 à 10 fois inférieur à la valeur réelle. Si les étrangers arrivent, les prix vont remonter”, souligne le Dr Tabataie.

“L’arrivée des étrangers, mais aussi des nouvelles technologies avec les achats par téléphone et par internet, peuvent contourner le problème de l’insécurité. Les acheteurs n’auront plus à venir ici”, ajoute Rita Eliyas.

Il est loin le temps où, selon les souvenirs de Fadhil Abou Mohamed, “en 1980, pour vendre ou acheter des actions, tu allais à la banque et tu collais une petite annonce sur la porte avec ce que tu voulais échanger et ton numéro de téléphone”.

 28/07/2006 09:52:37 – © 2006 AFP