Eurotunnel : malgré la sauvegarde, le feuilleton est loin d’être fini

 
 
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Un train sort d’Eurotunnel, le 13 juillet 2006, à Coquelles, dans le nord de la France (Photo : Denis Charlet)

[05/08/2006 07:07:40] PARIS (AFP) Le lancement d’une procédure judiciaire devrait faciliter la restructuration financière d’Eurotunnel mais il reste encore beaucoup d’étapes à franchir pour sauver l’exploitant du tunnel sous la Manche, qui tente désespérément de renégocier sa dette de plus de 9 milliards d’euros.

“Il est temps de conclure” les discussions, a affirmé le PDG Jacques Gounon après l’ouverture mercredi de la procédure de sauvegarde par le tribunal de commerce de Paris, qui gèle le remboursement de la dette et de ses intérêts.

D’après une source proche du dossier, Eurotunnel a repris directement les tractations avec les créanciers dès mercredi, et les discussions se poursuivent intensément.

M. Gounon a fixé à fin septembre le délai maximum pour trouver un accord. Selon lui, il sera ensuite trop tard pour mettre en oeuvre toute restructuration, et le groupe irait au dépôt de bilan.

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Chiffre d’affaires et résultat net d’Eurotunnel

Pourtant, l’exploitation du tunnel est rentable. Le groupe a indiqué avoir dégagé au premier semestre une marge d’exploitation de 233 millions d’euros. Les parties prenantes sont donc d’avis qu’il est dans l’intérêt de tous de trouver un terrain d’entente, même si la bataille, souvent virulente, dure déjà depuis plus d’un an.

Même les créanciers les moins prioritaires, qui étaient les plus réfractaires aux propositions formulées par la direction, se disent prêts à trouver un compromis avant deux mois.

Reste une embûche de taille: convaincre les actionnaires. Ils ont eux aussi intérêt à un accord car “s’il y a liquidation, les actionnaires perdent tout”, souligne Pierre Flabbée, analyste chez Keppler Equities. Selon lui, la procédure de sauvegarde peut avoir pour effet de leur “ouvrir les yeux”.

Toutefois, tempère l’analyste, la colère et la frustration d’actionnaires qui ont vu fondre comme neige au soleil la valeur de leurs titres rendent incertaine leur attitude lors de l’assemblée générale qui devra se prononcer sur le refinancement de la dette.

Certains, comme Joseph Gouranton, président de l’association Adacte et membre du conseil d’administration, ont déjà proclamé leur opposition aux propositions des créanciers, qui ne leur laisseraient que 13% du capital.

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Le patron d’Eurotunnel Jacques Gounon (G) interrogé par des journalistes à sa sortie du tribunal de commerce de Paris, le 2 août 2006 (Photo : Fred Dufour)

Les actionnaires ont déjà fait montre de leur puissance en 2004 en renversant la direction en place, rappelle M. Flabbée.

M. Gouranton en a appelé au président Jacques Chirac mais l’Etat français, qui est co-propriétaire du tunnel et perçoit une quarantaine de millions d’euros par an de charges de la part d’Eurotunnel, reste particulièrement silencieux.

Eurotunnel ne tient pas à évoquer un éventuel coup de pouce de l’Etat mais affirme que le PDG Jacques Gounon “tient régulièrement informés” les Etats français et britannique “de l’avancement du dossier de restructuration, compte tenu des enjeux politiques et financiers”.

Le groupe compte environ 800.000 actionnaires en France.

Eurotunnel précise aussi qu’elle “ne considère pas comme illégitimes les demandes d’aides auprès des Etats de la part des petits actionnaires”, tout en se disant “réaliste sur ce qu’elle peut obtenir de ceux-ci”.

En tout état de cause, même si la question de la dette était réglée, il faudrait qu’Eurotunnel mise sur de nouvelles stratégies à plus long terme pour rester rentable, relève Pierre Flabbée, en soulignant que le développement de l’activité fret “pourrait être un relais de croissance”.

 05/08/2006 07:07:40 – © 2006 AFP