[06/08/2006 08:29:24] HARARE (AFP) Les Zimbabwéens ont troqué cette semaine leurs vieux billets contre de nouvelles coupures allégées des trois derniers zéros, mais cette mesure annoncée lundi par la Banque centrale ne change pas véritablement la donne dans un pays qui traverse une crise profonde. En récession économique depuis sept ans, le Zimbabwe, dirigé depuis 1980 par Robert Mugabe, connaît une inflation qui dépasse les 1.000%. Le taux de chômage se situe autour de 70%. “Le changement de billets est un exercice purement cosmétique qui ne permettra en aucun cas de surmonter les difficultés auxquelles le pays est confronté,” explique à l’AFP l’économiste indépendant John Robertson. “Le seul impact réel sera de réduire la quantité de billets que les gens sont contraints de transporter, mais cela n’apporte aucune réponse aux principaux problèmes économiques que sont l’inflation, le manque d’investissement et le fort taux de chômage”, ajoute-t-il. Selon le gouverneur de la Banque centrale, Gideon Gono, ces décisions visent à “rendre le commerce et la vie quotidienne plus commodes”, mais aussi à ramener une certaine stabilité et lutter contre l’explosion du marché noir et le blanchiment d’argent. Selon ses détracteurs, cette décision est d’abord utilisée comme un outil politique pour faire croire aux Zimbabwéens que les prix ont baissé. “Le gouvernement tente de créer l’impression que les marchandises sont moins chères, ce qui n’est pas vrai”, raille un chauffeur de taxi dans le centre de la capitale, Harare. Depuis lundi, la télévision nationale diffuse une publicité vantant, avec une certaine ambiguïté, les mérites de cette décision de la Banque centrale. Dans ce spot, une femme au foyer enthousiaste loue les vertus de ce changement de billets, soulignant qu’un pain qui coûtait précédemment 200.000 dollars zimbabwéens “ne coûte désormais plus que 200 dollars”. Avec l’hyper-inflation, nombre de Zimbabwéens étaient devenus des “millionnaires”, contraints de transporter des sacs de billets pour faire la moindre course. Au cours des trois dernières années, le Zimbabwe a introduit une série de nouveaux billets à durée limitée. Le dernier en date était un billet de 100.000 dollars zimbabwéens, mis en circulation début juin. La décision de la Banque centrale risque aussi de créer une certaine confusion, dans la mesure où les deux séries de coupures cohabiteront durant trois semaines, jusqu’au 21 août. Pour Best Doroh, économiste au sein d’une banque locale, ce changement n’aura pas d’impact réel à court terme sur les prix des biens et des services. “Les pressions inflationnistes resteront très probablement fortes”, estime-t-il. Le gouvernement attribue ses déboires économiques aux sanctions imposées par les Etats-Unis et l’Union européenne au régime de Mugabe, accusé d’atteintes aux droits de l’homme et de mauvaise gouvernance. Ses opposants soulignent pour leur part l’impact dévastateur d’une réforme agraire, menée dans la violence et la désorganisation, qui a vu les fermiers blancs privés de leurs terres redistribuées à des noirs. Longtemps considéré comme le “grenier” de l’Afrique australe, le Zimbabwe dépend désormais en partie de l’aide alimentaire internationale. Plus de 80% de ses 13 millions d’habitants vivent sous le seuil de pauvreté. |
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