Fruit
béni, nourriture favorite du caravanier et du voyageur, la datte a
représenté‚ pendant des siècles, l’aliment de base des populations du
désert. Forte de ses propriétés diététiques, elle est, aujourd’hui, en passe
de devenir un produit agricole stratégique à l’exportation, autant que
l’huile d’olive ou les agrumes.
En Tunisie, la production de dattes ne cesse d’augmenter. Elle est estimée
annuellement à 105 mille tonnes dont 70 mille tonnes de Deglet nour (doigt
de lumière), variété considérée comme la meilleure. Ce produit connaît un
franc succès sur les marchés intérieur et extérieur.
La Tunisie, premier exportateur de Deglet nour, en exporte, annuellement,
une moyenne de 30 mille tonnes dont 15.000 sur le seul marché européen. Par
pays, la France est le premier client de la Tunisie, suivi de l’Italie, des
Etats-Unis, de l’Allemagne, de la Belgique, des pays du golfe.
Mention spéciale pour la France qui importe des dattes tunisiennes pour les
revendre dans toute l’Europe. C’est ce qui explique que la France, en sa
qualité de réexportateur de datte, figure sur la liste des exportateurs de
dattes sans en être producteur.
Deglet nour est la principale variété exportée. Elle se distingue par sa
couleur blonde translucide et par sa saveur exceptionnelle.
La plantation du palmier dattier producteur de cette variété de datte a été
délibérément intensifiée, durant les années 60, en raison de sa valeur
marchande. D’autres palmeraies sont développées avec un cofinancement
européen, depuis une dizaine d’années, à Regim Maatoug (région de Kébili)
avec l’assistance financière de l’Union européenne.
Toutefois, la Tunisie, qui récolte les fruits de cette stratégie au plan des
recettes en devises (50 millions d’euros par an), paye en contrepartie les
effets pervers de cette orientation sélective monovariétale sur
l’écosystème.
Les oasis tunisiennes qui s’étendent sur 32 mille hectares repartis sur
quatre régions dattières situées aux confins du désert (Tozeur, Gafsa, Gabès
et Kébili) sont menacées d’érosion génétique. Celle-ci, pour peu qu’elle se
poursuive, risque de compromettre la pérennité de l’écosystème oasien.
Pour Noureddine Nasr, agronome coordinateur du Projet sur la gestion
participative des ressources phytogénétiques des palmiers dattiers dans les
oasis du Maghreb (ipgri), un projet de démonstration financé par le PNUD, le
remède passe par la réhabilitation de la diversité génétique.
Deux objectifs sont recherchés : le premier, d’ordre écologique, consiste à
développer de nouvelles palmeraies pour lutter contre l’avance des sables,
préserver la biodiversité et valoriser des variétés de dattes plus
résistantes aux parasites telles que le kintichi et El bisr.
L’agronome rappelle ici que le principal fléau qui menace les oasis
tunisiennes a pour nom “Bayoudh”. Ce parasite a décimé au Maroc et en
Algérie une dizaine de millions de palmiers. La Tunisie qui ne compte que
4,5 millions de palmiers risque de connaître le pire des scénarios si jamais
ces palmeraies sont affectées par ce parasite.
La deuxième motivation, d’ordre économique, vise à restaurer le rôle de
production des oasis. Il s’agit d’exploiter à bon escient la bonne image
dont jouit la variété “Deglet nour” pour accroître, au plan international,
la demande pour les autres variétés (kinta, kintichi…).
D’ou l’enjeu d’explorer de nouveaux marchés tels que les marches africains,
les pays d’Europe centrale et orientale (Peco), les pays islamiques du
sud-est asiatique (Indonésie et Malaisie) et la colonie maghrébine en Europe
qui reste attachée aux traditions culinaires à base de dattes.
Le Groupement interprofessionnel des fruits (GIF), structure étatique
chargée d’encadrer et d’assister les 40 mille palméiculteurs des oasis
tunisiennes, accorde des primes et autres subventions aux exportateurs qui
prennent l’initiative d’identifier de nouveaux débouchés pour écouler la
datte tunisienne et de provoquer un glissement d’une partie de la demande de
dattes Deglet nour vers d’autres variétés (dattes sèches).
Les pépins du secteur
La non diversification des débouchés n’est pas le seul problème auquel est
confronté le secteur. La dépendance des aléas climatiques et l’insuffisance
des eaux d’irrigation tunisiennes, le faible rendement du palmier dattier
tunisien (25 kg actuellement contre 100kg et plus ailleurs) entravent,
également, le développement des oasis et compromettent leur pérennité.
Le véritable talon d’Achille du secteur demeure cependant la faible capacité
de stockage. L’offre disponible est estimée, actuellement, à 15 mille tonnes
gérées par 27 unités de conditionnement alors que la demande est évaluée à
32.500 tonnes.
La situation a amené l’Etat à instituer des incitations fiscales et
financières pour aider les gros conditionneurs à se mettre à niveau, à
moderniser leurs équipements vétustes, à se doter d’unités de maintenance et
à s’adapter aux normes de management de sécurité alimentaire (Haccp) exigées
à l’exportation.
L’ensemble de ces dispositions vise à conforter la place qu’occupent les
dattes en tant que troisième produit agricole biologique après l’huile
d’olive et les agrumes.