Près
de vingt ans après les réformes économiques de la fin des années quatre
vingt, le secteur privé algérien contribue aujourd’hui à plus de 70% du PIB
national hors hydrocarbures. Explications d’un universitaire algérien.
WMC : Où en est aujourd’hui l’émergence du secteur privé en Algérie ?
Kamel Behidji : L’émergence du privé date du début des années
quatre-vingts, suite à la promulgation d’une loi en reconnaissant
l’existence dans le cadre de la participation au développement national.
Mais la véritable naissance de ce secteur a commencé avec les réformes
économiques de 1988 et la constitution de 1989 qui a notamment reconnu le
droit à la propriété privée. Le processus s’est accéléré durant une période
que nous, Algériens, qualifions de noire, les années quatre-vingt-dix qui
ont vu la mise en œuvre de l’ajustement structurel de 1993-1994.
Cet ajustement a eu pour effet le «rétrécissement» du secteur public et
ouvert la voie à la «démonopolisation de certaines activités. La
privatisation enclenchée dans la foulée et l’ouverture de l’économie
algérienne à l’investissement direct étranger ont également beaucoup
contribué à l’émergence du privé. Résultat : ce secteur contribue
aujourd’hui à plus de 70% du PIB national hors hydrocarbures. Donc, c’est un
véritable bouleversement qui s’est produit.
Qu’est-ce qui caractérise ce secteur privé ?
Il est d’abord familial et, parfois même, tribal. Ensuite, il se caractérise
par une structure juridique un peu dépassée et qui, en tous les cas, n’est
plus adaptée à l’ampleur des opérations réalisées. Cette structure juridique
est l’ «Entreprise Unipersonnelle à Responsabilité Limitée» («EURL»),
parfois la Sarl.
Depuis trois ou quatre ans, on voit des acteurs économiques prendre la forme
de «SPA» (Société Par Actions), mais on n’en est pas encore à la société
anonyme. En particulier, parce que la Bourse, balbutiante, n’est pas encore
véritablement opérationnelle, à l’exception de quelques opérations sans
envergure, concernant principalement des entreprises publiques.
Par contre, on relève une participation informelle à l’économie, qui n’est
pas sous forme d’actions mais d’apports en fonds qui ne sont pas visibles.
Les statistiques parlent de près de 8 milliards d’euros tournant dans
l’informel, en dehors du circuit monétaire contrôlé.
Ce phénomène est localisé particulièrement autour du bassin pétrolier à
Hassi Messaoud, d’Alger –qui a la part du lion-, et de quelques régions de
l’intérieur où des pôles d’activités commencent à émerger.
Un autre signe du développement sans précédent du privé est l’émergence du
pluralisme syndical patronal. Aux deux grandes organisations que sont la
Confédération du Patronat Algérien (CPA) –d’inspiration libérale, plus ou
moins autonome tout en entretenant des liaisons avec le pouvoir- ; la
Confédération Générale des Patrons des Entreprises (CGPE) –plus ou moins
liée au pouvoir parce que constituée d’anciens patrons et cadres
d’entreprises publiques-, s’ajoute le Forum des Chefs d’Entreprises (FCE)
-une organisation moderne dans le sens où elle s’implique dans les études,
le conseil, publie une revue, organise des conférences et œuvre à influencer
le cours des choses à travers ses réseaux.