[23/08/2006 11:08:13] PARIS (AFP) Le volume des fusions a battu tous les records depuis le début 2006, bouleversant le quotidien des salariés qui, s’ils ne sont pas licenciés, doivent s’adapter à une nouvelle culture d’entreprise lors de l’intégration des groupes. “C’est toujours un moment difficile à vivre. Le boulot principal des gens pendant les trois à six mois après l’annonce, c’est de trouver leur prochain poste au sein de la nouvelle entité”, raconte un cadre quinquagénaire souhaitant rester anonyme et qui a vécu plusieurs mariages dans les télécoms, dont celle de deux opérateurs français l’an passé. Si officiellement, les dirigeants affirment souvent que les fusions se font entre “égaux”, c’est presque toujours une équipe de managers qui en mange une autre. Cette période entraîne donc des angoisses chez les salariés. “Des gens qui ne savent plus où ils en sont, vous en avez alors à la pelle”, continue ce cadre, qui est parvenu à garder son poste. Pour préserver les sensibilités de chacun, certaines entreprises s’accommodent d’une direction bicéphale qui se retrouve parfois dans tout l’organigramme du groupe. Une solution rarement synonyme d’efficacité. Chez DaimlerChrysler, né de l’union d’un constructeur automobile allemand avec un américain, elle a été abandonnée au bout d’un an. Chez le constructeur aéronautique européen EADS, où elle est le fruit d’un compromis politique ayant permis la création du groupe, elle semble conduire à bien des rivalités inutiles et faire obstacle à des prises de décision. La période d’intégration, où tous les repères paraissent brouillés et où les salariés s’angoissent sur l’évolution de leur carrière, est par conséquent une période de conflits larvés. Et “un conflit qui n’est pas traité, c’est une capacité de décision de l’entreprise en moins. Il faut arriver à mobiliser les gens, à refabriquer une ambiance”, estime Charles Gancel, qui dirige le cabinet de consultants Inter Cultural Management (ICM) à Paris. Selon lui, “plus de la moitié des fusions sont décevantes en matière de création de valeur à cause de différences culturelles que l’on n’a pas réussi à surmonter”. Un argument avancé par Guy Dollé, PDG du géant européen de l’acier Arcelor lorsqu’il avait été approché au début de l’année par le milliardaire indien Lakshmi Mittal. Et le fait d’être de nationalités différentes exacerbe les conflits. “Quand quelque chose ne va pas, on va chercher un responsable. Et dans ces cas-là, la cible la plus facile, c’est celui qui n’a pas le même passeport”, observe M. Gancel. Les us et coutumes d’une entreprise ne peuvent d’ailleurs pas toujours s’imposer dans une autre. Ainsi, dans un groupe international franco-américain, le patron américain, qui s’était irrité de la mise de ses salariés, avait fait publier un code vestimentaire de 40 pages, photos de certains salariés à l’appui, qui en bermuda, qui en jeans, barrées d’une croix rouge, puis en costume, considéré comme le bon choix. “En France, le fascicule a provoqué des éclats de rire. Et l’image du patron en a été altérée”, raconte M. Gancel. Les difficultés d’intégration peuvent pousser les meilleurs éléments, lassés, à quitter l’entreprise. Car ce sont généralement eux qui se voient offrir les meilleures opportunités à l’extérieur. Ainsi, le cadre quinquagénaire se souvient: “C’est une grande période de pots de départ. Avec le plan de départ bonifié, certains ont vu une opportunité pour faire complètement autre chose. J’en connais un qui a ouvert un bar”. |
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