[30/08/2006 10:57:25] PEKIN (AFP) Le Parti communiste chinois a lancé sa énième campagne anti-corruption, exigeant de ses cadres dirigeants la transparence sur leurs vies privées ou leurs investissements, sur fond de nouveaux scandales à Pékin et Shanghai. La plus haute instance communiste, le bureau politique du comité central, présidé par le secrétaire général du parti et chef de l’Etat Hu Jintao, a annoncé cette semaine que les cadres dirigeants étaient désormais tenus de ne rien cacher. Ils disposeront d’un mois pour informer le parti de tout changement dans leur situation conjugale. Ils devront également dire si eux ou leur épouse, ou les enfants vivant sous le même toit, achètent, vendent ou louent un bien immobilier, si eux ou leurs enfants se marient avec des étrangers, ou bien si leur épouse ou leurs enfants sont l’objets d’une enquête judiciaire. Les cadres devront également indiquer si leurs proches ont des intérêts dans des entreprises privées ou travaillent pour des entreprises (joint-ventures ou filiales de groupes étrangers) comme cadres. Cette nouvelle directive, prise sous la direction d’un Hu Jintao, dont par ailleurs la vie privée comme celle des autres hiérarques est un sujet tabou pour les médias chinois, intervient à la suite de plusieurs scandales mettant en cause de hauts cadres communistes. A Shanghai, c’est l’ancien responsable du fonds de pension qui est l’objet d’une enquête, à Pékin, l’ancien vice-maire qui supervisait les projets de construction pour les jeux Olympiques de 2008. Ce dernier s’est notamment vu accuser d’avoir entretenu de nombreuses maîtresses. Selon certains analystes, ces campagnes à répétition depuis une quinzaine d’années montrent surtout que le phénomène d’incurie et de corruption, qui selon un récent rapport officiel aurait coûté plus de 30 milliards de yuans (3,75 milliards de dollars) à l’Etat chinois au premier semestre de cette année, ne peut être éradiqué. “Je ne nie pas qu’il y ait une lutte anti-corruption, mais les dirigeants ont intégré le fait que premièrement il est impossible d’éliminer la corruption, deuxièmement que tout le monde est corrompu et troisièmement qu’il y a un aspect positif, puisque cela permet de stabiliser des réseaux”, affirme Jean-Louis Rocca, sociologue et économiste, chercheur au Centre d’études et de recherches internationales (Ceri). Malgré tout, dans un pays où la croissance économique effrénée a creusé les inégalités, tout est question de mesure. “En règle générale, les politiques anti-corruption ne sont pas destinées à éradiquer la corruption, mais essentiellement à la gérer, de faire en sorte qu’elle ne dépasse pas un certain seuil, que les gens corrompus n’arrivent pas à un seuil d’enrichissement qui pourrait poser des problèmes”, explique M. Rocca. De nombreux chefs d’entreprises occidentaux témoignent en effet, sous le couvert de l’anonymat, de la nécessité de construire des réseaux de corruption pour décrocher des contrats. De plus, poursuit le chercheur, il y a un élément politique à ne pas négliger. “Dans la pratique, les conséquences de ces luttes anti-corruption sont les réglements de comptes politiques entre groupes rivaux. L’accusation de corruption est une façon bien commode de mettre sur la touche des cadres qui par ailleurs n’ont pas fait ce qu’il fallait, une façon d’éliminer un certain nombre d’adversaires”, conclut-il. |
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