[07/09/2006 17:25:48] PARIS (AFP) Une bataille parlementaire sans précédent s’est engagée jeudi en France sur le projet de loi de privatisation de Gaz de France pour permettre une fusion avec le groupe énergétique Suez, un plan que la gauche a promis de combattre par tous les moyens et qui divise aussi à droite. Près de 138.000 amendements, record absolu depuis le début de la Ve République en 1958, ont été déposés pour ce premier test politique de la rentrée, et, comme c’était attendu, les débats se sont engagés dans une ambiance houleuse. Presque tous les amendements émanent de l’opposition communiste (PCF) et socialiste (PS), qui veut frapper fort à huit mois de l’élection présidentielle sur un sujet qui inquiète l’opinion en période de forte hausse des prix de l’énergie. Les socialistes dénoncent un “scandale démocratique”, le chef de l’UMP au pouvoir Nicolas Sarkozy ayant promis en 2004 de ne pas privatiser GDF quand il était ministre de l’Economie. Les communistes fustigent un texte symbolique d’une “dérive libérale”. La gauche s’appuie en outre sur les réticences de la Commission européenne à voir naître un mastodonte GDF-Suez qui poserait des problèmes de concurrence sur les marchés français et belge. Les députés de gauche ont fait suspendre deux fois la séance parlementaire jeudi pour obtenir du gouvernement qu’il lui communique une longue lettre de griefs adressée en août par Bruxelles à GDF et Suez. La Commission attend que les deux groupes proposent des remèdes et a jusqu’au 25 octobre pour avaliser ou non l’union. Les PDG Jean-François Cirelli (GDF) et Gérard Mestrallet (Suez) ont rencontré lundi la commissaire européenne à la Concurrence, Nellie Kroes. Jeudi, Gérard Mestrallet s’est dit “confiant” qu’une solution puisse être trouvée. La fusion GDF-Suez, annoncée en février et défendue par le Premier ministre Dominique de Villepin comme moyen de contrer une éventuelle OPA du groupe italien Enel sur Suez, vise selon ses promoteurs à créer le premier groupe gazier européen et le cinquième producteur d’électricité du continent. La nouvelle entité pèserait environ 70 milliards d’euros en bourse. Le projet de loi français -qui organise en outre l’ouverture complète à la concurrence des marchés européens du gaz et de l’électricité au 1er juillet 2007- prévoit de ramener la part de l’Etat dans GDF à près de 34% (minorité de blocage) contre 80% actuellement pour permettre au groupe coté en bourse depuis 2005 de fusionner avec Suez, privatisé en 1987.
Suez a annoncé jeudi un bénéfice semestriel record, en hausse de 39,5% à 2,2 milliards d’euros. Comme la gauche, les centristes de l’UDF comptent batailler contre le texte. Et à droite, le malaise est perceptible. Plusieurs dizaines de députés de l’UMP au pouvoir faisaient toujours de la résistance jeudi. Ils craignent notamment l’impopularité d’une telle fusion en pleine hausse des prix de l’énergie. “Si nous ne bougeons pas, Gaz de France aura plus de difficultés à négocier (…) parce que d’autres entreprises auront noué des partenariats”, a fait valoir Thierry Breton. Beaucoup de députés, traumatisés par la crise du contrat première embauche (CPE) en début d’année, s’inquiètent de la perspective d’une nouvelle adoption d’un texte par la force, avec l’article 49.3 (adoption sans vote après engagement de responsabilité). Le Premier ministre s’est redit réticent jeudi à recourir cette méthode, mais si la gauche ne faiblit pas d’ici le terme du débat fixé au 22 septembre (le nombre colossal d’amendements déposés nécessite endurance et présence dans l’hémicycle), le gouvernement pourrait finalement en user pour faire passer son texte face à l'”obstruction” de la gauche. Pour le chef du PS François Hollande, l’avalanche d’amendements était “le seul moyen d’attirer l’attention de l’opinion publique”. |
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