[15/09/2006 10:52:08] BERLIN (AFP) La grande coalition au pouvoir en Allemagne va ouvrir une nouvelle boîte de Pandore en s’attaquant à la régulation du secteur des bas salaires, avec à la clé, peut-être, l’introduction d’un salaire minimum, sujet très controversé dans un pays attaché à ses accords de branche. La France en a un, la Lettonie aussi, et même la Grande-Bretagne à la réputation si libérale. En Allemagne pourtant, l’idée d’un salaire minimum fixé par la loi va à l’encontre de la sacro-sainte autonomie tarifaire, en vertu de laquelle syndicats et patronat fixent les rémunérations par branche et par région. Résultat: 2 millions de personnes travaillent pour un salaire inférieur au seuil de pauvreté, 900.000 touchent même des allocations chômage pour pouvoir subsister, explique Karin Vladimirov, du syndicat de la gastronomie NGG. Cette branche compte une sur-proportion de “working poors”, et le NGG, de même que plusieurs autres syndicats dont celui des services ver.di, revendique un salaire minimum horaire de 7,50 euros. A l’heure actuelle cinq euros ou moins ne sont pas rares, surtout dans l’ex-RDA. Le contrat de coalition, feuille de route du gouvernement d’Angela Merkel rédigé à l’automne dernier, pointait déjà du doigt le problème: s’assurer que les salaires ne dégringolent pas “dans le domaine de l’indécence”, tout en permettant aux peu qualifiés de travailler pour pas cher, leur seule chance de trouver leur place dans un marché du travail toujours sinistré. L’embellie économique des derniers mois a certes fait reculer le chômage, mais les plus de trois millions de chômeurs de longue durée n’en ont à peine profité. Réconcilier les termes de cette équation apparaît d’autant plus difficile que le gouvernement est très divisé sur la question. Les sociaux-démocrates (SPD) sont favorables à un salaire minimum, les conservateurs (CDU-CSU) préfèrent l’option d’un “salaire combiné” subventionné par l’Etat. Les économistes rivalisent de projections, les milieux économiques s’en mêlent et agitent le spectre de suppressions d’emplois en masse. “Un signal dévastateur en direction du marché du travail”, “une infraction à l’autonomie tarifaire”. Dieter Hundt, le président de la Fédération des employeurs BDA n’a pas de mots assez forts pour dénoncer le projet de salaire minimum préparé par une partie du SPD et les syndicats, et qui doit être discuté au sein du parti la semaine prochaine. Mais M. Hundt n’était pas mieux disposé à l’égard des projets de la droite, “coûteux et inefficaces”, annoncés au printemps et qui prévoyaient l’instauration de subventions pour compléter les bas salaires, et ce pour les jeunes et les plus de 50 ans, les plus touchés par le chômage de longue durée. Le projet du SPD, auquel même certains conservateurs ont exprimé leur soutien, prévoit une approche graduelle où les accords salariaux stipuleraient branche par branche un salaire minimum, une fixation par la loi n’intervenant que dans une deuxième phase. C’est trop timide pour les syndicats. “Nous soutenons le projet, mais cela ne va pas assez loin”, pour Mme Vladimirov, “nous voulons un salaire minimum fixé par la loi dès le départ”. Du côté des économistes, la bataille des chiffres est lancée. Un salaire combiné remettrait 350.000 personnes au travail, selon les uns, un salaire minimum détruirait des centaines de milliers d’emplois selon les autres. A charge pour Franz Müntefering, le ministre social-démocrate de l’Emploi, de s’y retrouver. Il a promis un projet pour l’automne sur le sujet. Et il y a fort à parier que ce nouveau chantier sera aussi miné que la réforme de la santé, autre priorité du gouvernement Merkel, toujours pas bouclée. |
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