[15/09/2006 10:54:22] LAGUIOLE (Aveyron) (AFP) Sur la lame effilée est inscrit “Laguiole garantie”. Impossible à affûter, le manche presque cassé, ce couteau au montage imparfait contraste avec ceux qui ont fait la notoriété de ce petit village éponyme aux confins de l’Aveyron. Il vient de Chine ou du Pakistan. On le retrouve sur les marchés, les foires ou encore les grandes surfaces, au grand dam des fabricants de Laguiole qui crient à la tromperie sur l’origine, à la confusion, à l’utilisation abusive et tentent de lutter. “On ne peut pas à proprement parler de contrefaçon pour Laguiole, qui est dans le domaine public international, regrette Christophe Durand de La coutellerie de Laguiole, la marque n’a jamais été déposée et tout le monde peut le fabriquer”. De Chine et du Pakistan, ces couteaux de poche et de table en forme d’espadon viennent aussi d’Espagne, du Portugal et de France, en particulier de Thiers (Puy-de-Dôme), la capitale de la coutellerie qui a repris la fabrication de ces couteaux en 1930, Laguiole n’en produisant plus jusqu’au milieu des années 80. “Le consommateur peut acheter un couteau Laguiole sans savoir où il a été fabriqué. L’étiquette +Made in China+ s’enlève (…) et des magasins sur Laguiole disent fabriquer des couteaux alors qu’ils sont faits ailleurs”, souligne M. Durand, qui vient d’accueillir l’exposition “Contrefaçon, non merci”. Regroupés autour de la place du village, la plupart des 20 points de vente comme la coutellerie Cros disent avoir vu leur chiffre d’affaires stagner voire baisser ces dernières années car “les gens veulent maintenant six couteaux de table pour 100 francs” (15 euros), s’indigne Jean-Louis Benezet, coutelier chez Christophe Lacaze. “On constate une baisse pour le moyen et bas de gamme, résume Hubert Calmettes, directeur d’Aveyron Expansion, le service économique du conseil général, seul le haut de gamme tire son épingle du jeu.” Sous les vitrines de la Forge de Laguiole s’alignent ainsi les manches légèrement incurvés en corne ou en bois précieux dont les lames pointues sont signées des grands designers comme Philippe Starck et Sonia Rykiel “pour montrer la différence entre l’original et une copie”, souligne le Pdg Bernard Divisia. D’autres font valoir qu’ils étaient les premiers à le fabriquer tels Calmels en 1829, dont les couteaux proviennent aujourd’hui… de Thiers. Et tous s’accordent pour critiquer les produits de leur voisin “venant d’Asie vu le prix” et de se proclamer fabriquant le “vrai” Laguiole. Faute de pouvoir faire intervenir les douanes, qui ne disposent pas d’armes juridiques ni d’interlocuteurs précis, huit fabricants locaux ont finalement réussi à se mettre autour d’une même table sous l’impulsion d’Aveyron Expansion dans le but de créer une association de défense du nom Laguiole. Parmi les solutions envisagées, établir un cahier des charges précis pour définir enfin ce qu’est un “vrai” Laguiole, “reflet de la vie sur l’Aubrac”, selon M. Divisia, et indiquer de manière indélébile l’origine du produit, fabriquer les couteaux dans la région nord-Aveyron, un secteur qui emploie 200 personnes, puis, à plus long terme, récupérer la marque Laguiole. Si les couteliers, les collectivités locales et la société Jeune Montagne, principal producteur du fromage Laguiole, trouvent un consensus, cette “AOC du couteau” devrait voir le jour fin 2006, mais certains, sous couvert d’anonymat, doutent: “Il y en a qui n’en veulent pas car ils achètent leurs couteaux bien plus loin que Thiers”. |
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