Pour
tous les lycéens de France, l’heure de la rentrée a sonné. En ligne de mire
: le baccalauréat, qui constitue pour beaucoup le «minimum syndical» en
matière de diplômes. Face à la difficulté du marché du travail et au
caractère sensible du système éducatif français, existe-t-il encore, à notre
époque, une chance pour les «marginaux de l’Ecole» ?
«Passe ton bac d’abord !» Qui n’a jamais entendu cette phrase dans la bouche
de parents pour qui, en général, la réussite future passe exclusivement par
un parcours scolaire brillant et une débauche de diplômes ? Car voilà bien
l’idée solidement ancrée dans les esprits depuis près de quarante ans : sans
diplômes, pas de réussite professionnelle.
Une idée confortée par les chiffres de l’INSEE qui indiquent qu’entre 1990
et 2000, le pourcentage de chômeurs sans diplômes a sensiblement augmenté
passant de 26,8% à 46,9%. Une tendance qui s’accentue encore plus chez les
femmes : en 1990, 42,1% des femmes au chômage n’avaient pas de diplôme. En
2000, ce pourcentage passait à 54,7%. Néanmoins, ces chiffres ont tendance à
baisser au fur et à mesure que l’on s’éloigne de la fin des études. Et même
si l’on observe une amélioration en 2005 (44,4% de chômeurs sans
qualification pour les hommes et 49,2 % chez les femmes), les diplômes
demeurent évidemment les garanties les plus sûres pour intégrer le monde du
travail.
Pourtant, en dépit de ces données, les faits sont là. À l’heure actuelle,
près de deux patrons sur trois sont des autodidactes, répartis le plus
souvent dans les secteurs du commerce, de l’hôtellerie-restauration, de
l’industrie et plus récemment dans l’Internet. Sans diplôme, destinés à
rester en marge du système scolaire puis du monde du travail, ils ont réussi
à gravir les échelons grâce à leur profil atypique et à leur motivation.
Souvent plus curieux, plus tenaces, plus intuitifs, plus entreprenants et
parfois plus culottés que les diplômés, ces «cancres» s’imposent souvent
grâce à leur force de caractère et leur envie de réussir, malgré tout.
Condamnés à faire leurs preuves en permanence, habitués à en faire plus que
les autres, ils sont sur tous les fronts, tout le temps. Leur credo ? La
hargne. Leur moteur ? La rage. L’envie de ne rien lâcher, de ne rien laisser
passer. Leur expérience sur le tas et leur débrouillardise deviennent alors
des atouts indéniables face aux jeunes pousses issues des grandes écoles,
plus portées sur la théorie que sur la pratique. Surtout à notre époque où,
de plus en plus, on tend à privilégier le «savoir être» plutôt que le
savoir.
Et les exemples ne manquent pas. Tel Jean-Claude Bourrelier qui, en 1975, à
29 ans, crée son premier magasin de bricolage. Il est aujourd’hui à la tête
d’un groupe de plus de 600 millions d’euros de chiffre d’affaires :
Bricorama. Ou encore Mohammed Dia, ce jeune homme d’affaires issu des cités
qui équipe désormais certaines équipes de basket-ball de la NBA. Autre
exemple de réussite, mais en politique cette fois-ci : Pierre Bérégovoy.
Fils d’un immigré russe, qui débuta en tant qu’ouvrier fraiseur, militant
syndical, il accédera aux plus hautes sphères du pouvoir politique grâce à
la force de ses idées, muni de son seul CAP d’ajusteur. Enfin, comment ne
pas rappeler l’exemple de Bernard Tapie, véritable touche-à-tout, qui
incarne, encore aujourd’hui, l’archétype de l’autodidacte qui a réussi, en
devenant tour à tour chanteur, homme d’affaires, homme politique, animateur
de télévision et acteur.
Et même s’il est clairement démontré qu’il vaut mieux poursuivre ses études
ou suivre une formation pour avoir des chances d’échapper au chômage, le
talent et l’ambition font parfois mieux que les diplômes. Comme le dit le
proverbe : «À cœur vaillant rien d’impossible». Et si c’était encore vrai ?
Le pari est tout de même plus que risqué…