Le
magazine Euromoney, l’un des principaux magazines financiers au monde, a
annoncé hier (18 septembre 2006,
NDLR) les noms des lauréats de ses deux prix célèbres qui
sont décernés, à l’échelle internationale, au meilleur gouverneur de banque
centrale et au meilleur ministre des Finances de l’année.
Lors de la cérémonie organisée au Raffles Plaza Hotel à Singapour, en marge
des réunions de l’assemblée annuelle 2006 du Fonds monétaire international
et de la Banque mondiale, et à laquelle ont assisté plus de 400 invités,
Padraie Fallon, président d’«Euromoney Institutional Investor PLC», a remis
le célèbre prix à Riad Salamé, gouverneur de la Banque du Liban, et au Dr
Sri Mulyani Indravat, ministre indonésienne des Finances.
Dans son allocution, M. Fallon a précisé que le gouverneur Salamé, qui
occupe son poste depuis treize ans, a toujours relevé avec succès d’énormes
défis, le dernier étant celui des implications de la guerre entre le
Hezbollah et Israël.
Dans l’éloge publié à l’occasion de la remise du prix, Euromoney a indiqué
que « les marchés financiers libanais sont demeurés intacts et qu’il n’y a
pas eu de ruée sur les banques pour retirer des dépôts ou échanger de gros
montants libellés en livres libanaises. Cela est dû, en grande partie, aux
règles fondamentales de travail établies par la BDL, qui renforcent d’une
manière significative sa capacité d’intervention en temps de crise. En
effet, la Banque centrale a constitué des réserves en devises s’élevant à 13
milliards de dollars, garantissant ainsi la stabilité de la monnaie
nationale. En outre, le système bancaire libanais, solvable et liquide à un
haut degré, a coopéré avec la BDL pour atténuer les effets de la crise. À
aucun moment, la capacité de remboursement de la dette publique n’a été mise
en question».
La remise du prix à M. Salamé reflète non seulement sa réussite au cours des
derniers événements, mais également et surtout ses nombreuses réalisations
depuis qu’il occupe le poste de gouverneur. M. Fallon a ajouté que M. Salamé
est «la figure dominante au niveau des finances libanaises et qu’il jouit
d’un grand respect du fait qu’il transcende les dissensions politiques».
Nul besoin de préciser que M. Salamé a dirigé avec brio la période de crise
qui a suivi l’assassinat de l’ancien Premier ministre Rafic Hariri en
février 2005, et qui a provoqué la sortie de plus de deux milliards de
dollars du Liban ainsi que la conversion en dollars d’un montant global en
livres libanaises équivalant à 5,5 milliards de dollars. L’ingénierie
financière adoptée par la BDL comprend des opérations de swap, l’émission de
certificats de dépôt en dollars, l’amélioration de la notation des banques
locales et enfin une mesure qui a obtenu un grand succès, celle de
l’émission d’euro-obligations en octobre 2005 et mars 2006.
Dans ce contexte, le FMI a noté que la BDL assumait toute seule le poids de
la stabilisation financière et de la gestion macroéconomique, appelant le
gouvernement libanais à partager cette tâche avec la Banque centrale.
Bâle 2 malgré la guerre Prenant à son tour la parole, M. Riad Salamé a remercié Euromoney pour
son choix, affirmant qu’il s’agit là d’un honneur pour la Banque du Liban et
pour tout le secteur bancaire.
Il a insisté sur le fait que tout au long de son mandat qui a duré jusqu’à
aujourd’hui treize ans, son objectif principal a été la préservation de la
stabilité monétaire.
« La livre libanaise a maintenu sa valeur au cours des treize dernières
années dans des circonstances instables, à l’ombre de guerres,
d’assassinats, de déficit budgétaire et d’endettement élevé. La politique de
stabilité monétaire se poursuivra à l’avenir. La stabilité préserve le
pouvoir d’achat des Libanais et renforce la confiance dans le secteur
financier. Les marchés au Liban ont accepté cette politique et ont réagi
avec raison sur base d’une expérience et de données enregistrées sur une
longue durée. Comme résultat de cette politique et des données précédentes,
la Banque centrale a été le seul achete ur de dollars depuis la proclamation
du cessez-le-feu, le 14 août dernier».
M. Salamé a insisté sur le fait que le secteur bancaire au Liban bénéficie
d’une réputation solide, d’une direction, de règlements et de contrôle
excellents. Il a précisé que le montant total des capitaux qui sont sortis
du Liban au cours de la guerre n’a pas excédé 3,5 % de l’ensemble des
dépôts. «Un pourcentage qui peut être récupéré en quelque mois», a-t-il dit.
Le gouverneur de la BDL a indiqué par ailleurs que la notation du
portefeuille des prêts n’a pas baissé de plus de 1,5 % en raison de la
guerre de juillet dernier alors que le secteur bancaire a maintenu sa
profitabilité. En comparant les dépôts entre juillet 2005 et juillet 2006,
le pourcentage de croissance enregistré est de 8,5 % alors que la croissance
depuis le début de l’année en cours et jusqu’à aujourd’hui est de 5 %.
Il a affirmé que la BDL va continuer à encourager la fusion entre les
banques et que sa priorité restera celle de la protection des dépôts des
citoyens. M. Salamé a rappelé que plus de trente licences bancaires ont été
annulées sans aucune perte pour les déposants. Il a affirmé qu’il continuera
à encourager l’expansion des banques libanaises à l’étranger et fera
appliquer les critères de Bâle 2 dans les délais fixés avant la guerre.
«Au cours de la guerre de juillet dernier, la BDL a décidé de prêter aux
banques libanaises en dollars, devenant ainsi le seul créancier en devises.
Cette décision a allégé la pression sur les émissions d’eurobonds libanais
en devises étrangères. Aujourd’hui, le rendement sur les titres approche le
niveau d’avant la guerre», a-t-il souligné.
M. Salamé a déclaré qu’il souhaite préserver la réputation du Liban comme un
pays qui honore ses engagements, rappelant que la BDL détient 23 % de
l’ensemble de la dette publique sans que cela ne génère d’inflation.
«L’autre partie de la dette est sous contrôle. L’important c’est les
retombées du déficit budgétaire et non la dette», a-t-il ajouté.
M. Salamé a déclaré que le gouvernement libanais a préparé un programme de
réformes économique visant à baisser la dette publique et prépare
actuellement la tenue d’une conférence, vers la fin de l’année en cours,
pour réunir des aides et des dons, et non des prêts, dans le but de soutenir
la reconstruction. «La réussite de cette conférence et l’application du
programme de réformes sont nécessaires pour rééquilibrer les indicateurs
économiques essentiels. Dans tous les cas de figure, nous continuerons à
appliquer notre stratégie qui consiste en trois points : la stabilité
monétaire, un secteur financier solide et une gestion saine d es finances de
l’État», a-t-il dit.
Pour sa part, le PDG de Fransabank, Adnane Kassar, a affirmé que les
Libanais sont fiers de Riad Salamé qui est le premier gouverneur d’une
banque centrale arabe à obtenir un tel prix, depuis la création de ce prix
international. Il s’agit, a-t-il ajouté, d’un prix qui jette la lumière sur
les succès de personnalités du monde international de la finance.