[21/09/2006 14:01:06] PARIS (AFP) L’offensive californienne contre les constructeurs automobiles, accusés de “nuisance publique” sur le climat, doit servir d’alerte à leurs pairs européens et aux pollueurs en général qui pourraient avoir à rendre des comptes, estiment des experts interrogés par l’AFP. Le ministère de la Justice de l’Etat de Californie a annoncé mercredi des poursuites au civil contre six constructeurs américains et japonais (Chrysler, General Motors, Ford, Toyota, Honda et Nissan), parce que “le réchauffement climatique cause des torts importants à l’environnement en Californie et à la santé publique”. La plainte, qui réclame des dommages au montant non précisé, vise les émissions de dioxyde de carbone (CO2) des voitures, l’un des principaux gaz à effet de serre (GES) responsables du réchauffement de la planète. Elle devrait surtout avoir pour effet, au-delà d’éventuelles compensations, d’établir des responsabilités et d’éveiller l’attention des producteurs et des consommateurs. “Cette affaire va faire jurisprudence en termes de justice du climat”, s’est réjouie Roda Verheyen, directrice du Climate Justice Programme, initiative d’ONG internationales telles Friends of the Earth, Greenpeace et WWF. “Aucun contentieux ne s’est à ce jour intéressé à cet aspect du problème: vont-ils (les constructeurs) être tenus responsables d’une partie des dégâts causés ou de leur totalité?” a-t-elle ajouté.
Cette plainte pourrait “servir d’aiguillon, comme les premières +class actions+ contre l’industrie du tabac. Et amener à se pencher sur la question du changement climatique des intérêts qui ne se sentaient jusqu’alors pas concernés”, estime l’expert français des problématiques énergie/climat Jean-Marc Jancovici, professeur à l’Ecole polytechnique. “Avec la possibilité prochaine en Europe d’ouvrir des +class actions+ contre les opérateurs de téléphone mobile, les constructeurs automobiles seraient bien avisés de se poser à leur tour la question du principe pollueur/payeur”, ajoute-t-il. “Il serait en tout cas très imprudent de n’en rien faire”. L’offensive californienne n’est pas la première aux Etats-Unis en matière d’environnement: en juillet 2004, huit Etats américains avaient déjà poursuivi des centrales thermiques en exigeant qu’elles réduisent leurs émissions de CO2. Mais pour l’heure, les mécanismes mis en oeuvre en Europe dans le cadre du Protocole de Kyoto de lutte contre le changement climatique ne concernent que l’industrie et le secteur énergétique. Sur les transports – le quart environ des émissions de GES de l’UE -, aucune contrainte ne pèse et les émissions des transports aériens et maritimes ne sont pas comptabilisées. “On pourrait pourtant imposer aux constructeurs de brider leurs moteurs, abaisser les limites de vitesse sur les routes, frapper d’une vignette réellement dissuasive les voitures les plus émettrices”, suggère Alain Grandjean, professeur d’économie de l’environnement à l’Ecole Polytechnique. Coauteur avec Jancovici du “Plein s’il vous plait”, plaidoyer pour un carburant cher, il suggère d’impliquer la responsabilité du consommateur tout autant que celle du producteur, par des mesures fiscales visant à la maîtrise des émissions de CO2 du citoyen. Le gouvernement britannique étudie d’ailleurs un projet de “quotas de CO2” individuel, qui attribuerait à chaque citoyen un droit à polluer au-delà duquel il serait taxé. “Une piste importante mais compliquée à mettre en oeuvre”, estime-t-il, qui dissuaderait l’achat de voitures cracheuses de CO2. |
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