En recevant le Premier ministre le 7 août 2006, le Président de la
République a porté son intérêt à la question des marchés publics, prenant
connaissance de l’évolution de l’activité des commissions des marchés, tout
au niveau de la commission supérieure, que des commissions régionales et
sectorielles.
Dans un souci d’élargir les domaines de participation aux marchés
publics et le renforcement de la transparence, la nouvelle loi n°2006-2167 a introduit
plusieurs nouveautés :
1/ Réservé aux artisans, tels qu’ils sont définis par la législation et la
réglementation en vigueur, la participation aux marchés publics dans les
secteurs traditionnels et dont le montant ne dépasse pas, toutes taxes
comprises, cinquante cinq mille (55.000) dinars pour les travaux et trente
cinq mille (35.000) dinars pour la fourniture de biens ou de services.
2/ Restitution du cautionnement définitif ou de la caution qui la remplace, si le titulaire du marché s’est acquitté de ses obligations et après
avis de la Commission des marchés compétente sur le dossier de règlement
définitif et ce dans un délai maximum de 4 mois à partir de la date de
réception définitive sauf s’il y a contestation écrite de l’acheteur public…
Ceci dans la théorie. Dans la pratique, l’acheteur public peut retenir des
cautions bancaires au-delà de cette date limite fixée par la loi, sans qu’il
y ait un moyen de recours, …
En effet, les opérateurs économiques signalent que si l’Administration
s’autorise le droit de sanctionner le fournisseur par l’application de pénalités de
manière unilatérale, il n’existe pas actuellement un organe de recours, pour
sanctionner l’Administration en cas de dépassement, soit de retard de
paiement, ou de rétention de cautions bancaires.
3/ Remise des offres en 2 étapes, la première est une offre technique et
administrative, et seuls les candidats dont les offres techniques ont
été acceptées sont invités à remettre directement et dans une 2ème phase leurs offres financières.
Cette nouvelle disposition pose un certain nombre de problèmes en favorisant,
notamment, l’entente entre les soumissionnaires, dans
le cas ou le marché comporte plusieurs lots, ou si le nombre des
soumissionnaires retenus est inférieur à 3.
Elle permettrait aussi d’adapter son offre financière en fonction des concurrents
retenues, et en fonction du contexte concurrentiel.
4/ Les séances d’ouverture des plis financiers sont publiques, et ceci dans
un souci de transparence, ce qui permettra aux fournisseurs d’étudier le
marché et d’avoir des prix cibles et une analyse de la concurrence, et
amènera l’acheteur public à avoir des offres de plus en plus compétitives et
à réduire par voie de conséquence la marge bénéficiaire des
soumissionnaires.
5/ L’article 97 nouveau réduit le délai maximal de l’avis des commissions
des marchés à un mois au-delà duquel l’entreprise peut soumettre directement
les dossiers à l’approbation de son conseil d’administration ; ceci
permettra de réduire les délais de conclusion des marchés et
particulièrement ceux devant passer par la Commission supérieure des marchés.
6/ Révision des seuils de compétence des commissions des marchés, et la
création d’une nouvelle catégorie qui sont les logiciels et services
informatiques. Cette révision profite particulièrement au secteur des TIC
dont les plafonds ont été révisés à la hausse :
– 1 million de DT pour les logiciels et services
– 2 millions de DT pour les équipements.
Toutefois, sans déroger à la règle du moindre disant, il reste que si
l’acheteur public souhaite faire un marché complexe en 2 étapes, il doit
impérativement passer devant la Commission supérieure des marchés,
indépendamment du montant du marché.
Certes, selon cette nouvelle disposition, l’acheteur public procède à
l’évaluation des offres techniques et fait le choix de l’offre la mieux
disante au plan technique et financier (art. 40), mais cela implique un
passage obligé par la Commission supérieure des marchés, ce qui est une
contrainte.
7/ La réduction du délai de paiement maximal à 60 jours au lieu de 90 jours.
Cette mesure constitue une avancée considérable, et un acquis pour les
fournisseurs ; reste qu’elle (art. 120) n’est pas
assortie d’un moyen, ou un droit de recours en cas de retard de paiements.
Et que, pour contraindre l’administration et l’acheteur public à payer les
intérêts de retards, il faut passer impérativement par les tribunaux.
Or cela implique de longs recours et des délais de plusieurs années pour
obtenir un jugement, tandis qu’en cas de pénalités de retard, l’acheteur
public se fait payer au comptant et ce en effectuant des retenues sur les sommes
dues, ce qui n’est pas équitable.
D’une manière générale, cette nouvelle loi ne semble pas contenter tous les
opérateurs économiques et ce notamment :
1/ Parce qu’elle avantage l’acheteur public.
2/ Pour l’absence d’un organisme de recours, en cas d’abus de l’acheteur public, ou
d’application de pénalités de retards.
3/ Pour la prédominance de la logique du moins disant aux détriments de la
qualité, et ce surtout pour les marchés intellectuels, comme les études, la
formation ou le développement de logiciels.
4/ Pour l’absence d’un organisme pilote, qui supervise la réception des
marchés et tranche les différends,
Certains opérateurs, quoique admettant qu’il y a des avancées importantes
dans les nouvelles dispositions, considèrent
que ce nouveau décret fait 2 pas en avant et 1 pas en arrière.