L’intérêt de la Russie pour les champions européens de l’industrie inquiète

 
 
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Le Président russe, Vladimir Poutine (d) signe le “Livre d’Or” en compagnie de’Jacques Chirac (g) et la chancelière allemande, Angela Merkel dans la bibilothèque du château de Compiègne, le 23 septembre 2006 (Photo : Benôit Tessier)

[24/09/2006 23:20:14] MOSCOU (AFP) La Russie, redevenue “grande et riche” selon Vladimir Poutine, s’intéresse désormais aux champions industriels européens, ce qui inquiète ses partenaires alors que Moscou proteste de sa bonne foi et dénonce des “discriminations” à son encontre.

Les remous déclenchés par la prise de participation surprise d’une banque publique russe dans le géant européen de l’aéronautique EADS et l’échec du projet de fusion entre le sidérurgiste européen Arcelor et le russe Severstal, indiquent que les Européens ne pas encore prêts à considérer la Russie comme un partenaire comme un autre.

A un mini-sommet France-Russie-Allemagne à Compiègne, près de Paris, samedi, les velléités de Moscou de monter au capital d’EADS, groupe emblématique européen, jusqu’à “une minorité de blocage”, selon les mots d’un conseiller du président russe, ont été discutées.

Vladimir Poutine s’est employé à rassurer ses partenaires, le président français Jacques Chirac et la chancelière allemande Angela Merkel.

Il a affirmé que l’entrée, à hauteur de 5,02%, de la Vnechtorgbank dans le groupe aéronautique n’était “pas le signe d’une conduite agressive de la part des Russes”.

Cette prise de participation a été guidée par les conditions de marché, a expliqué le président russe, suggérant néanmoins que la Russie cherchait à s’entendre avec ses partenaires sur un partenariat industriel et à décrocher une place au conseil d’administration du groupe.

“En ce qui concerne EADS, les craintes des Européens sont exagérées, le Kremlin veut une participation qui restera minoritaire. Mais pour Arcelor, il fallait en effet empêcher la prise de contrôle du groupe par Alexeï Mordachov”, le patron de Severstal, observe Vladimir Pribylovski, analyste indépendant.

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Jacques Chirac et Vladimir Poutine lors d’une conférence de presse, le 23 septembre 2006 à Compiègne (Photo : Denis Charlet )

“Les Occidentaux ont raison de pas considérer à égalité les hommes d’affaires russes, qui sont contrôlés par le Kremlin, il faut rester vigilant”, observe l’analyste.

La déconvenue de Severstal, au profit de l’indien Mittal, avait été reçu comme un affront à Moscou.

Pourquoi les Européens ont-ils peur des Russes ? “Parce que nous sommes grands et riches”, a ironisé M. Poutine, répondant à un journaliste samedi.

Un constat a relativiser: si la Russie voit son économie croître à un rythme annuel rapide de quelque 6% ces dernières années, son produit intérieur brut (PIB) ne devrait retrouver son niveau de 1990 avant la crise économique enclenché par la chute de l’URSS qu’en 2007.

“Ce n’est pas la Russie qui est devenue riche et puissante, c’est le Kremlin, qui s’est transformé en un vaste groupe pétrolier et gazier”, et qui profite à plein des revenus des exportations d’hydrocarbures à des prix records, objecte M. Pribylovski.

Pour Robert Amsterdam, avocat de l’ex-milliardaire russe Mikhaïl Khodorkovski emprisonné après un procès politique, les exigences russes sont asymétriques.

“Le Kremlin continue d’exiger une entrée fracassante au capital des entreprises les plus stratégiques des grands pays industrialisés, et prétend vouloir ainsi être traité d’égal à égal” mais parallèlement, il “évince les investisseurs étrangers des secteurs importants de l’économie russe”, dénonce-t-il dans un communiqué publié avant la rencontre tripartite.

Les Russes s’élevent en effet de manière croissante contre la discrimination dont ils estiment être victimes à l’étranger.

Le ministre russe des affaires étrangères Sergueï Lavrov a demandé samedi à New York la levée des sanctions américaines contre le constructeur russe d’avions Soukhoï et l’agence russe d’expportations d’armes Rosoboronexport, accusés d’avoir fourni à l’Iran des équipements pouvant servir à la mise au point d’armes de destruction massive.

Et le président Poutine a demandé à Compiègne la libéralisation du marché européen du combustible nucléaire, où les restrictions font perdre à la Russie “entre 200 et 300 millions de dollars chaque année”.

 24/09/2006 23:20:14 – © 2006 AFP