[03/10/2006 18:33:16] PARIS (AFP) Les députés ont adopté mardi, lors d’un vote solennel à l’Assemblée nationale, le très sensible projet de loi sur l’énergie qui privatise GDF afin de permettre sa fusion avec Suez. Le texte a été adopté par 327 voix contre 212. Le projet a été voté par la seule UMP. Le PS et le PCF, qui ont mené une bataille acharnée contre ce texte, ont voté contre, de même que les centristes de l’UDF à l’exception de deux d’entre eux qui se sont prononcés pour. Au groupe UMP, où l’approbation du texte n’était pas unanime, 10 députés ont voté contre, 7 se sont abstenus, 322 ont voté pour et 22 n’ont pas pris par au vote. Ce scrutin est intervenu dans un hémicycle bondé après une dernière bronca de la gauche contre la privatisation de GDF au cours de la séance des questions au gouvernement qui a précédé. Les rangs de l’UMP étaient particulièrement garnis. Il aura fallu une session extraordinaire, plus de 120 heures de débat et l’examen d’un nombre inégalé d’amendements déposés par la gauche (137.433) pour venir à bout de ce texte dont l’examen avait commencé le 7 septembre. Le texte, déposé en urgence (une lecture par assemblée), est maintenant renvoyé au Sénat qui commencera à l’examiner le 10 octobre. L’opposition a d’ores et déjà annoncé qu’elle déposerait un recours devant le Conseil constitutionnel.
François Brottes, principal orateur du PS pendant ce marathon parlementaire, s’est une dernière fois élevé contre “le démantèlement d’une entreprise historique” et “l’accaparement d’un bien national et public par des intérêts privés”. La secrétaire nationale du PCF, Marie-George Buffet, a déploré “le droit à l’énergie qui sera remis en cause par l’augmentation inéluctable des tarifs” et la “mise en péril de l’indépendance énergétique de la France”. L’UDF Jean Dionnis du Séjour a estimé que “la privatisation de GDF privera l’Etat d’un levier d’action majeur de sa politique énergétique au moment même où le gaz devient de plus en plus stratégique”. L’UMP Bernard Poignant a jugé qu’il serait “irresponsable de ne pas légiférer” avec l’ouverture totale à la concurrence du marché européen de l’énergie et qu’il fallait “donner les moyens à GDF de nouer des alliances”. Outre la privatisation de GDF, en vue de sa fusion éventuelle avec Suez, le projet vise à transposer en droit français les directives de l’Union européenne préparant l’ouverture totale à la concurrence du marché de l’énergie au 1er juillet 2007.
Du côté des salariés, la mobilisation syndicale à GDF et EDF contre la privatisation de l’opérateur gazier avait stagné mardi, voire régressé, par rapport à la précédente journée d’action du 12 septembre, malgré une manifestation qui a rassemblé à Paris de 2.500 à 15.000 manifestants. La direction de GDF annonçait vers midi un taux de grévistes de 17,4% contre 20,5% à la même heure le 12 septembre, tandis qu’EDF avançait 18,9% (contre 18,15%) pour l’ensemble de la journée. Ces pourcentages sont calculés sur l’ensemble des effectifs des deux entreprises, présents et absents confondus. Du côté des syndicats, qui calculent à partir des salariés devant être présents, la CFDT estimait à 20% la proportion de grévistes dans les deux entreprises, FO parlait de 40% à 60% selon les régions et la CGT évoquait des taux “sensiblement” identiques à la précédente journée. En 2004, quelque 46% des effectifs avait fait grève contre le changement de statut d’EDF et GDF à l’appel de l’ensemble des fédérations de l’énergie, selon les chiffres des directions à l’époque. A Paris, 15.000 manifestants selon les syndicats, 2.500 selon la police, ont défilé depuis la place Denfert-Rochereau en direction de l’Assemblée nationale, où les députés approuvaient au même moment le projet de loi de privatisation de GDF.
Des brefs incidents les ont opposé aux forces de l’ordre lorsque celles-ci leur ont interdit l’accès à l’esplanade des Invalides, proche de l’Assemblée. Des gaziers CGT, T-shirts bleus et casques sur la tête, ouvraient ce cortège réuni à l’appel des fédérations de l’Energie CGT, FO, CFE-CGC, CFTC, Unsa et Sud, et où des manifestants venus de Normandie, Tours, Lille ou Marseille avaient pris place. Les hauts-parleurs diffusaient en boucle des paroles prononcées par Nicolas Sarkozy le 6 avril 2004, alors ministre de l’Economie: “il n’y aura pas de privatisation d’EDF/Gaz de France, c’est clair, c’est simple et net”. “Chirac, Villepin et Sarkozy, ils ont tous promis, ils ont tous menti”, ont scandé les manifestants. “Non à la privatisation de l’électricité et du gaz, l’énergie au service de la nation. Des droits pour les salariés, des droits pour les usagers”, proclamait la banderole de tête. Des manifestants portant des bougies avertissaient: “demain, vous vous chaufferez tous à la bougie!” Battant lui aussi le pavé sous un maussade temps d’automne, le secrétaire général de la CGT, Bernard Thibault, a martelé: “nous ne renoncerons pas, quelle que soit la décision prise aujourd’hui par les députés”. La CGT a d’ores et déjà appelé à une nouvelle journée de manifestations le samedi 14 octobre. La CFDT, favorable au rapprochement GDF-Suez mais opposée à la privatisation de GDF, avait appelé à un débrayage de quatre heures mais pas à la manifestation. Des militants CFDT étaient pourtant présents dans le cortège. En province, des manifestations ou rassemblements de protestation ont rassemblé 500 personnes à Valence, 300 à Marseille, 150 à Toulouse, une centaine à Illzach (Haut-Rhin) et Lille. Des baisses de charge de 800 à 1.000 MW ont eu lieu sur le réseau GDF, alors que l’éclairage public a été coupé lundi soir à Toulouse. Dans le sud-ouest, un millier de grévistes ont renoncé à participer au mouvement pour réparer les dégâts causés par la tempête qui a privé quelque 200.000 clients d’électricité. “Ils sont repartis au travail pour remettre le jus en Aquitaine après la tempête”, a expliqué Maurice Marion (CGT). |
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