La
Banque centrale de Tunisie (BCT, institution publique chargée de la mise en
œuvre de la politique monétaire du pays) a décidé, le 27 septembre 2006, de
relever son taux directeur de 5% à 5,25%.
La nouvelle est annoncée par son Conseil d’administration, tout à fait à la
fin de ce document mensuel, réputé pour être le plus souvent ennuyeux et
illisible.
En raison de la diffusion de cette information par l’Agence TAP sans aucun
éclairage et à une heure de la rupture du jeûne, les médias, habitués à la
positivité et à la tendance généraliste de ce document (un cafouillis de
pourcentages lâchés sans aucune référence à des éléments comparateurs
crédibles), ne lui ont pas accordé l’intérêt requis.
C’est seulement une semaine après que les observateurs ont commencé à
s’interroger sur les tenants et aboutissants de cette décision.
Officiellement et en toute logique économique, cette augmentation est une
réponse technique à une inflation poussive estimée, selon la BCT, pour les 8
premiers mois de l’exercice 2006, à 4,7% contre une moyenne annuelle de 3%,
ces dix dernières années. En 2005, l’inflation a même atteint un niveau
historiquement bas de 2%. Depuis décembre 2005, l’inflation est nettement
repartie à la hausse. Il faut dire que la facilité d’accès aux crédits,
particulièrement aux crédits de consommation, a largement contribué à cette
hausse.
L’objectif recherché à travers cette décision est double : d’un côté, il
vise à ralentir l’activité économique en oeuvrant à freiner la consommation
et l’investissement à travers une politique de resserrement du crédit.
Principal corollaire d’une telle politique : moins de crédit et moins
d’emplois.
Une telle option est en contradiction avec l’engagement de l’Etat à créer
14.000 entreprises et 90 mille emplois par an. De l’autre côté, il s’agit de
mettre à profit une telle décision pour encourager l’épargne et mettre fin à
sa tendance baissière. Selon le rapport de la BCT exercice 2005, l’épargne
nationale a accusé, au cours de cet exercice, une décélération avec une
augmentation de 2,2% contre 9,5% en 2004, pour se situer à 7.968 millions de
dinars.
Ainsi, le taux d’épargne, calculé par référence au Revenu national
disponible brut est revenu, d’une année à l’autre, de 22% à 21,3%.
Parallèlement à cette décision de relèvement du taux directeur, des mesures
d’accompagnement sont prises pour rationaliser les dépenses en ce mois de
ramadhan, connu pour être une période de consommation de pointe.
Dans cette optique, se situe l’audience accordée par le Chef de l’Etat, à la
veille de la prise de décision du relèvement du taux directeur, au ministre
du Commerce.
Le président de la République a recommandé de rationaliser la consommation
et de maîtriser au mieux les prix, tout en oeuvrant à renforcer l’activité
de contrôle aux fins de garantir la transparence des transactions et de
juguler la spéculation en ce mois de ramadhan, mois de consommation
effrénée.
Les observateurs espèrent que les efforts déployés pour maîtriser
l’inflation seront couronnés de succès, car la Tunisie s’est attelée depuis
1990 à adapter ses indicateurs macroéconomiques -dont l’inflation- à ceux de
l’Union européenne.
Est-il besoin de rappeler que la Tunisie revient de loin en matière de
maîtrise de l’inflation. Au cours des années 90, elle a connu une forte
baisse du rythme de croissance de l’inflation qui a décru de 7,7% en 1991 à
1,9% en 2001.
Les variations des prix à la consommation familiale sont particulièrement
influencées par celles des prix de l’alimentation (36,5%) dans le calcul de
l’indice de l’inflation. Ce poste est talonné par ceux de l’habitation
(17,9%), habillement (11,7%), soins et hygiène (10,5%), transport et
communication (10,5%), culture et loisirs (12,9%).
Du côté de la Banque centrale, la tendance est à minimiser l’impact de ce
relèvement dont le taux faible, estime-t-on, n’aura pas des répercussions
outre mesure sur l’investissement.