Les
agences de notation sont des intervenants financiers d’un genre particulier
dont l’influence sur les marchés et les sociétés reste importante.
LE
PRINCIPE DE LA NOTATION
Les
agences de notation, dont les plus célèbres sont les américaines
Standard&Poor’s (S&P) et Moody’s, sont des sociétés privées chargées
d’évaluer le risque de solvabilité des emprunteurs, qu’ils soient privés
(entreprises) ou publics (Etats, régions, communes…). Elles déterminent la
capacité d’un emprunteur à rembourser ses emprunts contractés auprès des
institutions financières comme les banques ou des marchés financiers à
travers les obligations (dettes d’entreprises). L’évaluation de la qualité
de la signature se fait à travers un système de notation – rating – propre à
chaque agence. Schématiquement, les notes vont de Aaa (Moody’s) et AAA (S&P)
pour les emprunteurs dont la qualité de signature est la meilleure à C
(Moody’s) et D (S&P) pour qui est en situation de faillite. Ces notes font
l’objet d’une évaluation régulière et peuvent être mises sous surveillance
lors d’événements modifiant le profil de risque : dans le cas des
entreprises, citons les fusions, de gros investissements…En cas de
problème avéré ou latent, la note peut être revue à la baisse. Par contre,
si les efforts de restructuration sont payants, la note peut être revue à la
hausse. Si ces notes ne sont pas des invitations à l’achat ou à la vente de
titres, elles ont une influence de premier plan sur le cours des obligations
bien sûr mais aussi des actions. Voyons comment.
INTERET
DES NOTATIONS
Pour les
entreprises
Dans le cas d’une entreprise cherchant à financer son développement,
l’obtention d’une bonne note permet de contracter son emprunt (bancaire ou
obligataire) à des taux intéressants. Autrement dit, plus la note est élevée
et plus le taux d’intérêt est bas. Dans un contexte difficile, la note est
plus basse et le taux demandé par les prêteurs plus élevé. Cette situation
peut se révéler particulièrement délicate à gérer si la direction cherche
des capitaux pour financer son internationalisation. Au pire, la stratégie
de croissance peut se trouver remise en cause. La pression que peuvent
exercer les agences de notation sur certaines sociétés en difficulté
financière est telle que ces dernières sont parfois tentées, voire obligées,
de vendre des actifs ou émettre de nouvelles actions pour accélérer leur
désendettement à des conditions défavorables pour les actionnaires. Mais ne
rien faire pourrait se révéler plus grave.
Pour
l’actionnaire
La notation est un élément permettant de prendre le pouls financier de
l’entreprise dans laquelle l’investisseur souhaite investir. Le rating est
d’autant plus intéressant, pour autant qu’il soit calculé sur base
d’informations fiables, qu’il se rapporte directement à l’avenir d’une
entreprise, contrairement à d’autres ratios financiers (comme les marges
bénéficiaires) qui sont mesurés sur la base d’une situation actuelle ou
passée. Le rating peut donc être considéré comme un indicateur direct de la
compétitivité d’une entreprise.
Autre
point important : l’indépendance
S&P et
Moody’s n’appartenant pas à une banque, ils ne sont pas rémunérés pour des
service s tels que des émissions d’actions ou des conseils en fusion. Les
analystes de ces institutions peuvent se targuer d’être indépendants dans
leurs opinions. Leurs jugements n’en ont que plus de poids.
LES
DANGERS DE LA NOTATION
Pour le
détenteur d’obligations
L’abaissement de la notation de l’entreprise dont il est créancier se solde
par une baisse du cours de l’obligation – et/ou de sa Sicav investie en
obligations – qui, comme les actions, sont cotées. Si la note baisse, c’est
parce que le risque lié à un défaut de paiement s’accroît. Dès lors, les
futurs prêteurs demanderont des taux d’intérêts plus élevés pour consentir
de nouveaux prêts. Les obligations émises à des taux «avant dégradation»
seront moins recherchées et verront leur valeur boursière baisser. En
revanche, la recherche d’obligations de qualité -par exemple les obligations
d’États- poussera leurs cours à la hausse.
Pour
l’actionnaire
La révision à la baisse de la notation en dessous d’un certain niveau peut
se solder par une perte de confiance et un repli du cours. La révision en
baisse du rating joue sur le marché le rôle d’indicateur avancé d’une
prochaine -voire d’une dégradation en cours- des perspectives bénéficiaires
(baisse des parts de marché, hausse de l’endettement…) d’une société. La
baisse du cours semble plus nette pour les petites capitalisations que pour
les plus grandes et pour les entreprises connaissant déjà des problèmes de
financement que pour celles qui sont saines financièrement. Aussi, nous
conseillons aux investisseurs de se montrer très prudents vis-à-vis des
entreprises ayant fait l’objet d’une révision à la baisse de la notation de
leur dette, d’autant que les marchés sanctionnent souvent plus fort un
risque supplémentaire que ne le font les agences de notation. Enfin, la
dégradation de la note d’une société peut avoir un impact négatif sur
l’ensemble d’un secteur : on parlera alors d’un effet contagion.
Accédez
aux notations
Des informations sur certains émetteurs et sur la situation générale du
marché des crédits sont disponibles sur les sites de S&P (www.standardandpoors.com) et de Moody’s (www.moodys.com).
L’IMPACT
NEGATIF DE LA NOTATION DANS LE CONTEXTE ACTUEL
Une
mystérieuse clause
Les «rating triggers» – clauses cliquets -, un phénomène jusqu’ici ignoré du
grand public, peuvent avoir un impact très négatif. Selon la définition de
Standard&Poor’s ces « rating triggers» sont des clauses automatiques de
déclenchement de hausse de taux, de remboursement immédiat de crédits, de
mise en gage de certains actifs… en cas de baisse -sous certains niveaux-
de la notation pour protéger les créditeurs de la perte éventuelle de leurs
capitaux. Ces clauses peuvent se révéler particulièrement dangereuses car
elles risquent d’alimenter le mécanisme de baisse de la notation, poussant
chaque fois un peu plus l’emprunteur dans ses difficultés financières voire
à le précipiter vers la faillite, soit in fine l’effet contraire recherché
par les prêteurs. Comme les entreprises se montrent souvent particulièrement
discrètes quant à l’existence de ces clauses, le travail d’analyse des
investisseurs s’en trouve compliqué. Encore une raison de se montrer
prudent.
Vers
plus de volatilité à court terme
Les agences de notation avaient été montrées du doigt pour ne pas avoir
averti assez rapidement les investisseurs de la dégradation de la situation
financière du courtier en énergie américain Enron, lequel se trouve
désormais en faillite. Elles ont donc décidé de développer de nouvelles
techniques d’évaluation en vue d’être beaucoup plus réactives. Il s’agit de
se donner la possibilité de réduire plus vite et plus fort les notations des
entreprises avant que la structure financière se dégrade. Cette volonté
retrouvée de mieux jouer un rôle de signalisation est positive. Elle
pourrait aussi rendre les marchés d’actions et d’obligations plus volatiles,
ce qui ne sera pas sans impact sur les entreprises dans la mesure où tout ce
qui rend les «ratings» plus volatiles renchérit le coût du capital pour
l’émetteur. A plus long terme, il est donc de l’intérêt des directeurs
financiers de se montrer plus transparents dans leur comptabilité.
CONCLUSION
De nouvelles pratiques comptables sont la meilleure manière d’éviter les
brusques baisses des notations et la chute des cours des actions et des
obligations qui s’en suit généralement. En attendant qu’elles soient
arrêtées, il ne faut pas céder à la panique. D’une part, les entreprises
connaissant des difficultés financières -grandes ou petites- ne restent pas
les bras croisés. Plutôt que de céder à l a panique, mieux vaut faire le
gros dos et prendre son mal en patience.