Russie : Gazprom exploitera seul le gaz de Chtokman qui ira vers l’Europe

 
 
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Le siège de Gazprom à Moscou, le 30 juin 2006 (Photo : Denis Sinyakov)

[09/10/2006 16:33:13] MOSCOU (AFP) Le géant gazier russe Gazprom a annoncé lundi qu’il allait développer le champ gazier géant Chtokman par ses propres moyens et diriger prioritairement le gaz de ce gisement stratégique vers l’Europe, dans un pied de nez aux majors occidentales et aux Etats-Unis.

“Gazprom a décidé que le développement du gisement se ferait sans participation internationale. Et Gazprom en possèdera 100%”, a annoncé le PDG de Gazprom Alexeï Miller selon la traduction de ses propos sur la chaîne de télévision anglophone Russia Today.

“La priorité est la livraison par gazoducs et aux marchés européens”, a ajouté M. Miller, alors que le géant gazier avait indiqué précédemment qu’il comptait liquéfier une partie du gaz extrait de Chtokman en vue de livraisons par bateau vers le marché américain.

Ce gaz devrait finalement parvenir sur les marchés européens par le gazoduc de la Baltique, rebaptisé Nord Stream, dont Gazprom contrôle 51%, a précisé M. Miller.

Le géant gazier russe Gazprom avait pourtant pré-sélectionné en 2005 cinq compagnies internationales, les norvégiens Statoil et Norsk Hydro, les américains ConocoPhillips et ChevronTexaco ainsi que le français Total, parmi lesquelles il devait choisir ses partenaires pour ce projet d’une importance stratégique.

“Nous avons examiné la possibilité d’attribuer 49% du projet à des compagnies étrangères”, mais ces dernières “ont été incapables de fournir les capitaux nécessaires au vu des ressources de Chtokman”, a expliqué M. Miller.

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Le PDG de Gazprom Alexeï Miller, le 30 juin 2006 à Moscou (Photo : Denis Sinyakov)

Les deux groupes norvégiens ont indiqué avoir appris par les médias la décision de Gazprom, tandis que Total se refusait à tout commentaire.

“C’est la démonstration de force de Gazprom la plus visible depuis longtemps”, observe Roland Nash, analyste de la société d’investissement Renaissance Capital.

“Toutes ces compagnies ont fait des pieds et des mains (pour entrer dans le projet) pendant deux ans, et le fait que Gazprom les rejette toutes en même temps montre qu’il a gagné en confiance, techniquement et financièrement”, ajoute M. Nash.

Ce coup de théâtre est donc un camouflet pour ces majors et pour les Etats-Unis qui devaient devenir un partenaire et un client clef de Gazprom dans ce projet pharaonique en mer de la Barents au nord du Cercle polaire.

“Cette annonce suggère que la Russie a perdu patience avec les Etats-Unis”, a estimé Chris Weafer, analyste pour la banque Alfa sur Russia Today, alors que les relations entre Moscou et Washington sont au plus bas sur le plan diplomatique et commercial.

“Cela pourrait aussi suggérer que les ambitions de la Russie d’entrer à l’Organisation mondiale du Commerce sont maintenant mortes”, extrapole-t-il.

La presse russe a à de nombreuses reprises suggéré que le feu vert de Washington à l’entrée de la Russie à l’OMC était lié à une participation des compagnies américaines à Chtokman.

Cette annonce confirme une reprise sous contrôle musclée par le Kremlin des principaux actifs énergétiques russes, après la remise en cause ces dernières semaines des accords de partage de production dont bénéficient les pétroliers anglo-néerlandais Shell et américain ExxonMobil à Sakhaline et le français Total en Sibérie.

M. Weafer voit aussi dans cette décision une réponse du Kremlin aux vélléités des Occidentaux de bloquer l’expansion économique des groupes russes sur leur terrain, comme dans le cas du géant aéronautique EADS où les Européens refusent une montée en puissance de l’actionnaire russe.

Les compagnies occidentales participeront toutefois au projet Chtokman en tant que sous-traitant en apportant la technologie nécessaire à ce projet très complexe en haute mer et en zone arctique, a ajouté M. Miller.

La première phase du projet Chtokman, dont les réserves de gaz sont estimées à 3.680 milliards de mètres cubes, suppose des investissements de 12 à 14 milliards de dollars.

 09/10/2006 16:33:13 – © 2006 AFP