De plus en plus de grands crus tombent dans l’escarcelle des grands patrons

 
 
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Bouteilles de Sauternes lors d’un gala au Château Yquem, propriété de Bernard Arnault (Photo : Derrick Ceyrac)

[11/10/2006 09:08:05] BORDEAUX (AFP) Des frères Bouygues à Bernard Arnault, en passant par la famille Peugeot, plusieurs prestigieux grands crus du Bordelais sont récemment tombés dans l’escarcelle de grands patrons français, autant attirés par l’image de marque des châteaux que leur potentiel d’exportation.

Sur une petite dizaine de châteaux ayant changé de mains au cours des six derniers mois, plus de la moitié d’entre eux ont été acquis, parfois à prix d’or, par des groupes industriels “à connotation familiale”, relève Patrick Maroteaux, président de l’Union des grands crus à Bordeaux.

“Ce sont des gens qui ont compris que les grands crus, dont les prix ont fortement grimpé, font partie de l’économie des produits de luxe. Or, c’est un univers économique qui a un bon potentiel d’avenir en termes d’exportation”, analyse-t-il.

Selon ce professionnel, “ce sont les grands crus qui ouvrent les marchés en devenir, et le marché mondial du vin s’ouvre de plus en plus”.

Des pays comme le Japon, la Corée, la Chine ou encore la Russie n’étaient pas consommateurs de vin il y a encore quelques années, souligne-t-il. Même le marché américain offre encore beaucoup de place aux vins européens.

En avril, Martin Bouygues et son frère Olivier se sont offerts Château Montrose, un grand cru classé à Saint-Estèphe.

Cette transaction, d’un montant d’environ 120 millions d’euros, fait actuellement l’objet d’une procédure en annulation de vente devant le tribunal de grande instance de Paris, à l’initiative de la fille de l’ancien propriétaire qui affirme ne pas avoir été informée de la vente, a-t-on appris auprès de l’avocat des Bouygues, Me Jean-Michel Darrois.

Fin juillet, c’est au tour de la famille Peugeot, associée à trois partenaires issus du monde viticole, de se laisser tenter par un premier cru classé 1855 à Sauternes, Château Guiraud.

Le patron de LVMH Bernard Arnault, associé au financier belge Albert Frère, a, lui, opté cet été pour un Saint-Emilion grand cru, Château La Tour du Pin Figeac. Il avait déjà acquis en 1998, toujours avec l’homme d’affaires, le domaine Cheval Blanc, suivi un an plus tard de l’illustre Château Yquem.

Le mois dernier, deux nouvelles ventes ont été raflées par de grands noms de l’industrie française, confirmant ainsi la tendance de ces dernières années.

L’assureur mutualiste La Mondiale a acquis Château Soutard, un grand cru classé Saint-Emilion, auprès de la famille Des Ligneries, propriétaire depuis environ deux siècles, tandis que deux membres du groupe Hermès, Laurent et Renaud Momméja, rachetaient Château Fourcas-Hosten, à Listrac.

Les grands crus, qui couvrent seulement 4% des volumes de vins de Bordeaux, représentent 20% du chiffre d’affaires de ce marché, et environ 70% des bouteilles partent à l’exportation, note Francis Cruse, directeur du syndicat des négociants en vin de Bordeaux, l’Union des maisons de Bordeaux.

Si l’intérêt des grands patrons pour les domaines prestigieux n’est pas nouveau, la stratégie a évolué. “Château Couperie, acquis par Marcel Dassault dès 1955, a ensuite été rebaptisé Château Dassault. Aujourd’hui, ce phénomène d’appropriation est fini”, juge M. Maroteaux.

“Dans le monde du vin, casser une marque connue est très dangereux”, constate-t-il.

Pour Philippe Castéja, président du Conseil des grands crus classés du Médoc, rien d’étonnant à ce que les grands châteaux séduisent les industriels, car depuis 150 ans, “ce sont toujours des gens de qualité qui achètent les domaines”.

“Pour eux, c’est comme avoir une très jolie toile dans un très beau salon”, assure-t-il.

 11/10/2006 09:08:05 – © 2006 AFP