[11/10/2006 17:01:18] PARIS (AFP) La fièvre des cours des matières premières, dont n’avaient que très peu profité jusqu’ici les produits agricoles, gagne le blé depuis plusieurs semaines à la faveur de la sécheresse qui a amputé les récoltes dans de nombreux pays et réduit l’offre. Aux Etats-Unis, le cours du blé pour livraison en décembre a atteint cette semaine son plus haut niveau depuis plus de dix ans, tandis que dans le même temps, à Paris, le prix du blé meunier est proche des records de l’automne 2003, année de grande sécheresse. A Londres, le blé fourrager (pour l’alimentation animale) évolue au plus haut depuis mai 2004. La sécheresse a été précisément cette année le facteur déclencheur de la flambée des prix mondiaux, toutes les récoltes, sauf celles de la Chine, ayant souffert de manques de précipitations. Du coup, selon le Conseil international des céréales (CIC) basé à Londres, la production mondiale de blé va atteindre 588 millions de tonnes lors de la campagne 2006/07, en baisse de 30 millions (4,8%) comparé à 2005/06, et elle ne suffira pas à couvrir la demande (607 millions de tonnes). Il faudra alors puiser dans les réserves qui se situeraient à la fin de la campagne céréalière au plus bas depuis 25 ans. Et encore, le rapport du CIC, publié fin septembre, ne prend-il pas en compte les dernières informations alarmantes en provenance d’Australie où la production risque de chuter de plus de la moitié en raison du manque d’eau (12 à 15 millions de tonnes contre près de 25 millions rentrées l’an dernier). L’Australie exporte bon an mal an quelque 70% de sa production, principalement vers les pays asiatiques où elle est en compétition avec les Etats-Unis. Cette mise sur la touche de l’un de ses principaux rivaux a raffermi un peu plus encore le prix du blé américain. Côté européen, la tension a été aggravée par l’annonce d’un ralentissement du programme d’exportation de l’Ukraine qui, par l’instauration de quotas, cherche à protéger son marché intérieur d’une hausse brutale des prix. Privée de son fournisseur habituel, la clientèle traditionnelle du blé ukrainien s’est tournée vers d’autres sources d’approvisionnements proches notamment des origines européennes. Outre une production plus restreinte que les autres années, les blés ukrainiens souffrent, de surcroît, d’une mauvaise réputation liée à une qualité dégradée, à la fois, par les fortes gelées hivernales, par des chaleurs de l’été et, pour finir, par une invasion de sauterelles. Récemment l’Inde, très pointilleuse sur la qualité, a refusé une cargaison de blés ukrainiens reportant son intérêt vers les blés européens qui, comme les américains, tirent profit des malheurs des concurrents. Les Etats-Unis, malgré une baisse de plus de 9 millions de tonnes de la production, espèrent exporter 24,5 millions de tonnes de blé contre 27,5 l’an dernier alors que l’UE avec 12 millions compte faire mieux que l’an dernier (10 millions). Les Européens semblent d’ailleurs bien partis pour tenir leurs objectifs puisqu’en trois mois de campagne commerciale, ils ont déjà vendu un million de tonnes de plus que l’an passé à la même période. D’autant que les gros importateurs, alertés par la flambée des prix, se font pressants à l’image de l’Egypte, de l’Irak, de l’Algérie ou du Brésil, et ont avancé leurs achats. Ces poids lourds du marché mondial ont été rejoints par l’Inde, passée du rang d’exportateur à celui d’importateur à cause d’une petite récolte et d’une mauvaise gestion des stocks. Face à cette demande tous azimuts, les producteurs font de la rétention et jouent la hausse. “Ce sont eux qui dictent les prix, d’autant qu’aucun indice baissier ne se profile à l’horizon”, assure un courtier français. La hausse du prix du blé sur le marché mondial a entraîné dans son sillage les autres céréales. En particulier le maïs, dont la situation pourrait se compliquer dans quelques années avec la demande exponentielle de la part de l’industrie du biocarburant (éthanol), en particulier aux Etats-Unis. “Ce serait alors au tour du maïs de tirer le blé vers les sommets”, a commenté un analyste. |
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