Le
choix d’un régime matrimonial séparatiste semble être la solution la mieux
adaptée au chef d’entreprise. Pourtant, s’il permet de sauvegarder le
patrimoine privé du conjoint, il exclut à l’inverse ce dernier de tout
enrichissement. Des aménagements plus ou moins risqués permettent de remédier
à cela. Explications.
Pour un chef d’entreprise, protéger son patrimoine privé passe par la
scission entre patrimoine personnel et professionnel via la création d’une
société : société en nom collectif (SNC), société en commandite, société
anonyme &a grave; responsabilité limitée (SARL), société anonyme (SA) ou
société par actions simplifiée (SAS). Mais ce dispositif, connu et éprouvé,
ne garantit pas de tous les dangers.
Ainsi, la création d’une société de personnes (SNC et société en commandite)
engage la responsabilité du fondateur de façon solidaire et illimitée et
donc sur la totalité de son patrimoine. La création d’une société de
capitaux (SA, SARL, SAS), si elle limite la responsabilité des associés à
leurs apports, n’est pas une garantie totale, certaines exceptions à la
responsabilité étant prévue.
Une
manière de renforcer la protection du patrimoine privé du chef d’entreprise
consiste donc à adopter un régime matrimonial adapté. A proscrire : celui de
la communauté légale. Également baptisé régime de la communauté réduite aux
acquêts, il distingue les biens propres à chaque époux et les biens communs,
c’est-à-dire ceux acquis pendant le mariage. Résultat : les créanciers
peuvent saisir les biens propres du chef d’entreprise ainsi que ceux de la
communauté. «Les biens propres du conjoint sont sauvegardés sauf à avoir
donné une caution solidaire et hors la solidarité sur les dettes fiscales et
sociales», précise Marie-Amandine Bonansea, conseiller patrimonial au sein
de l’office notarial de La Garde.
Le
régime de la séparation des biens apparaît plus adapté aux chefs
d’entreprise. Les biens propres du mari et ceux de son épouse étant séparés,
les époux engagent uniquement leurs biens propres envers leurs créanciers
personnels. Si l’entreprise de l’un des époux connaît des difficultés
financières, seuls les biens propres de cet époux pourront être saisis par
les créanciers. Le divorce n’a en principe aucune incidence sur le sort de
l’entreprise.
Toutefois, les juges peuvent accorder une indemnité au conjoint non
exploitant lorsqu’il a participé bénévolement à l’activité de l’entreprise,
pour compenser en partie l’injustice de ce régime matrimonial. C’est en
effet là que ce régime pêche : il ne permet pas au conjoint de bénéficier de
l’enrichissement de l’autre. Pour remédier à cela, il peut être aménagé en y
incluant une poche de communauté : certains biens choisis par les époux
(comme l’habitation, par exemple) sont alors mis en commun. Mais ils sont,
du même coup, saisissables par d’éventuels créanciers.
Enfin, la participation aux acquêts concilie les avantages du régime de la
communauté de biens et ceux de la séparation de biens. Le choix de ce régime
apparaît comme étant le plus avantageux pour les chefs d’entreprise qui
désirent conserver leur entreprise tout en mettant en commun avec leur
conjoint les économies qu’ils réalisent.
En
effet, pendant toute la durée du mariage, le régime en vigueur est celui de
la séparation de biens. A la dissolution du régime, en cas de divorce ou de
décès, l’enrichissement de chacun des deux patrimoines entre le jour du
mariage et le jour de la dissolution est évalué et l’époux, dont le
patrimoine s’est le moins enrichi, a le droit de percevoir une partie de
l’augmentation du patrimoine de son conjoint. Une éventualité qui peut
toutefois mettre en péril l’entreprise si pour payer la créance due à
l’ex-conjoint, celle-ci doit être vendue. Il est alors possible pour les
conjoints d’insérer dans leur contrat de mariage une clause indiquant que
les biens professionnels sont exclus de la créance de participation. «A
cette occasion, le notaire pourra également aborder avec les époux une autre
situation qui pourrait être améliorée par le régime matrimonial :
l’hypothèse du décès tant du chef d’entreprise que de son conjoint afin
d’assurer la pérennité de l’entreprise, et la protection du survivant»,
conclut Marie-Amandine Bonansea.
Caution et indivision, deux risques à prendre en compte
Dans
la pratique, le cautionnement du conjoint est souvent exigé pour un crédit
professionnel, mais soumet alors le patrimoine privé au droit de poursuite
des créanciers. «La pratique bancaire fait qu’on ne peut que difficilement
faire autrement, souligne Marie-Amandine Bonansea. Il est important que le
chef d’entreprise fasse tout pour l’éviter…».
A
noter tout de même qu’un entrepreneur peut effectuer devant notaire une
déclaration d’insaisissabilité de son habitation principale pour isoler
celle-ci des poursuites de ses créanciers. «Mais, là encore, la banque
demande souvent de renoncer à cette déclaration…».
Autre
danger : l’indivision. «80% des personnes mariées sous le régime de
séparation passe par une acquisition en indivision». Le bien en indivision
ne peut pas être saisi par le créancier, mais celui-ci peut provoquer le
partage.