[13/10/2006 16:45:05] OSLO (AFP) Le prix Nobel de la paix a été attribué vendredi au Bangladais Muhammad Yunus , le “prêteur d’espoir”, et à son établissement de micro-crédit, la Grameen Bank, qui ont permis à des millions de démunis de s’extirper de la misère. Le choix du comité Nobel, qui a déjoué tous les pronostics, a été salué aux quatre coins de la planète, du palais de l’Elysée au siège de l’ONU en passant par les villages du Rwanda. “Une paix durable ne peut pas être obtenue sans qu’une partie importante de la population trouve les moyens de sortir de la pauvreté”, a expliqué Ole Danbolt Mjoes, le président du comité, lors de l’attribution du prix. “Le micro-crédit est un de ces moyens”, a-t-il ajouté. Surnommé le “banquier des pauvres” mais préférant le titre de “prêteur d’espoir”, Muhammad Yunus est le père de la Grameen Bank, première banque au monde à pratiquer le micro-crédit en faveur de personnes totalement insolvables.
L’initiative, qui a essaimé dans de nombreux pays, permet aux déshérités d’acheter des outils, des poulets ou un téléphone portable. “Tout individu sur Terre a à la fois le potentiel et le droit de vivre une vie décente”, a précisé M. Mjoes. “Par-delà les cultures et les civilisations, M. Yunus et la Grameen Bank ont démontré que même les plus démunis peuvent oeuvrer en faveur de leur propre développement”, a-t-il ajouté. “Vous soutenez un rêve pour former un monde débarrassé de la pauvreté”, a réagi le co-lauréat sur les ondes de la radio NRK. “Cela va donner une bonne dose d’énergie au mouvement entier, je peux vous le garantir”, a-t-il ajouté. Fondée il y a 30 ans dans l’un des pays les plus pauvres au monde, la Grameen Bank (“banque de village”) est venue en aide à plus de 6,5 millions de personnes, presque en totalité des femmes. Forte d’un capital de 27 dollars à sa création, la banque a distribué à ce jour quelque 5,7 milliards de dollars de micro-crédit. Ses activités représentent plus de 1% du Produit intérieur brut du Bangladesh. “Peu importe le nombre de prix que vous obtenez, c’est celui-ci qui compte”, a affirmé Muhammad Yunus, déjà titulaire d’une soixantaine de récompenses, en apprenant qu’il avait reçu le Nobel.
Cet économiste de 66 ans a indiqué qu’il verserait la part du Nobel qui lui revenait –la moitié du chèque de 1,1 million d’euros– à de bonnes causes. A New York, le secrétaire général de l’ONU Kofi Annan s’est dit “ravi” par la récompense donnée à Muhammad Yunus et à la Grameen Bank, “alliés de longue date des Nations unies pour la cause du développement et de l’autonomisation des femmes”. Le président français Jacques Chirac a pour sa part salué une “oeuvre exceptionnelle au service de la solidarité, du développement et de la paix”. Patrice Kayibanda, un Rwandais qui a recouru au micro-crédit pour acheter un “téléphone collectif”, a affirmé que l’initiative du “banquier des pauvres” était “une vraie bénédiction”. “J’ai maintenant remboursé mon emprunt (et) j’ai réussi en même temps à payer une place d’école à mes enfants en vendant des appels téléphoniques”, a-t-il expliqué. Le chef historique du syndicat polonais Solidarité et prix Nobel de la paix en 1983 Lech Walesa s’est en revanche déclaré “surpris”. “Il aurait été mieux (d’accorder à Muhammad Yunus un prix) pour l’économie, pour une idée économique originale”, a-t-il dit. En décernant le Nobel à un artisan de la lutte contre la pauvreté, les cinq Sages norvégiens ont une nouvelle fois étendu le champ couvert par le prix de la paix. Celui-ci a déjà considérablement élargi ses horizons ces dernières décennies, en s’intéressant aux droits de l’Homme, à l’humanitaire ou encore à la défense de l’environnement avec l’écologiste kényane Wangari Maathai, distinguée en 2004. Le Nobel de la paix sera remis à Oslo le 10 décembre, date-anniversaire de la mort de son fondateur, le savant et philanthrope suédois Alfred Nobel, inventeur de la dynamite. Le Bangladais Muhammad Yunus a annoncé vendredi qu’il ferait don à des bonnes causes de sa part de la récompense totale de 1,4 million de dollars. La somme de 1,4 million de dollars (1,1 million d’euros) versée pour le Prix Nobel de la Paix se divise en deux parts égales entre M. Yunus et la banque qu’il a fondée. Noureddine Ayouche, le président de la fondation marocaine de micro-crédit Zakoura, une des plus importantes au Maghreb, s’est réjoui de l’attribution vendredi du prix Nobel de la paix 2006 au Bangladais Muhammad Yunus et à sa banque, la Grameen Bank. “Je suis ravi, je trouve que c’est largement mérité et j’attendais depuis trois ans cette distinction pour Muhammad Yunus. Il mérite même le prix Nobel de l’économie”, a déclaré à l’AFP Noureddine Ayouche. |
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