[16/10/2006 10:29:34] BRUXELLES (AFP) En pleine “guerre” contre les cartels, la commissaire européenne à la Concurrence Neelie Kroes devrait encore accroître son nombre de trophées d’ici Noël, en épinglant pas moins de quatre ententes illégales. Selon plusieurs sources à Bruxelles, quatre à cinq nouveaux cartels devraient être sanctionnés dans les deux prochains mois, soit un tous les quinze jours, un rythme jamais atteint. Outre une entente dans les poutrelles d’acier et une dans les plastiques, devrait également être condamné un cartel de fabricants d’ascenseurs, impliquant notamment le finlandais Kone et l’allemand ThyssenKrupp. Lors d’une visite en Italie, Neelie Kroes a répété vendredi qu’elle était “en pleine guerre européenne contre les cartels”. Depuis deux ans, elle n’a d’ailleurs cessé d’accroître son arsenal. Après avoir dédié une direction entière à la lutte anti-cartel, elle a encouragé les particuliers à lancer des procédures en dommages et intérêts, afin de gonfler encore un peu la facture des entreprises délinquantes. Entre 2001 et 2005, la Commission a condamné environ six cartels par an, pour 4,4 milliards d’euros d’amendes cumulées. Mais 2006 devrait dépasser tous les records, avec une dizaine de cartels, et plus de 2 milliards d’euros d’amendes. A ce jour, la facture atteint déjà 1,3 milliard. “Mieux vaut prévenir que guérir, dit le dicton. Mais parfois une amende substantielle est un moyen plus direct de véritablement faire passer le message!”, estime la commissaire qui en septembre a réformé sa méthode de calcul. Cette méthode sanctionnera beaucoup plus les cartels de longue durée, ainsi que les récidivistes. Dorénavant, la sanction pourra souvent dépasser le milliard d’euros, soit cent fois plus qu’il y a vingt ans. Aux yeux de Neelie Kroes, les entreprises seront d’autant plus tentées de se dénoncer. Elles peuvent alors bénéficier du programme de “clémence” qui, depuis 1996, exempte d’amende les “repentis” qui fournissent les preuves pour démanteler un cartel. Du côté des avocats, on reste sceptique. Pour Julian Joshua, ancien responsable de la division cartels de la Commission, des amendes de cette ampleur risquent d’être “contre-productives”. Outre qu’elles peuvent mener des secteurs entiers à la faillite, elles n’incitent pas les entreprises à se dénoncer, car la Commission ne leur accorde pas de réduction d’amende suffisamment attractive en échange de leur coopération. Pour Antoine Winckler du cabinet Cleary Gottlieb, des amendes individuelles seraient plus dissuasives, car une multinationale a beau avoir un code de conduite irréprochable, elle n’est jamais à l’abri de déviances de ses cadres. En outre, remarque-t-il, “la notion de récidive doit être clairement définie”. Dans certaines industries, comme le verre, la chimie ou la sidérurgie, historiquement très touchées par les cartels, “tout le monde est récidiviste sur une période de 40 ans!” C’est ainsi que Danone, condamné en 2001 pour un cartel dans la bière, a pu être considéré comme récidiviste, parce qu’il avait participé 30 ans plus tôt à un cartel dans… le verre plat, une activité dont il s’est désengagé en 1979. Pour Me Winckler, “instituer une récidive sans précision de durée, c’est absolument comme si on traitait ces infractions comme des crimes contre l’humanité”, sans aucune prescription. Avocats et Commission s’entendent en revanche sur la nécessité d’instaurer un système de “transaction”, où les entreprises fautives pourraient négocier leur amende en échange de leur coopération. Neelie Kroes espère faire une proposition en ce sens dès 2007. Un tel arrangement permettrait d’éviter de longs contentieux en justice et de libérer des fonctionnaires, appelés maintenant à traiter quelque 50 cas par an contre un seulement il y a 20 ou 30 ans. |
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