Les indépendants ont la vie dure entre responsabilités et horaires
sans fin. L’aventure ne séduit que 14% des Suisses.
Écrasé par des structures hiérarchiques trop lourdes, frustré dans sa
créativité, exaspéré par l’incompétence d’un supérieur de bureau : qui n’a
pas rêvé, ne serait-ce qu’un seul jour, de se mettre à son compte, devenir
son propre patron, exploiter librement son savoir-faire? Et pourtant. Selon
les toutes dernières données de l’Office fédéral de la statistique (OFS),
seul un Suisse actif sur six s’est véritablement lancé dans l’aventure du
travail indépendant. Et, plus étonnant, encore: «En dépit des importantes
fluctuations conjoncturelles, la part des indépendants est restée quasiment
inchangée depuis dix ans (14% aujourd’hui contre 14,7% en 1996)», affirme
Thierry Murier, responsable de la section Travail et vie active à l’OFS.
La surprise est effectivement de taille, car, compte tenu des nombreuses
restructurations, on aurait pu penser que nombre d’ex-salariés eussent
préféré créer leur propre entreprise, plutôt que de pointer au chômage.
Thierry Murier tente une explication : «Ce taux inchangé peut s’expliquer
par des effets qui tendent à s’annuler. Ainsi, en période de faible
conjoncture, on constate à la fois une réduction de l’activité indépendante
provoquée par une plus faible capacité des petites entreprises à résister à
une longue période de déprime économique, et à la fois une augmentation du
nombre de travailleurs indépendants causée par la hausse du chômage». En
période de haute conjoncture, comme actuellement, le mouvement est
exactement inverse : plus de création d’entreprises, mais moins d’aspirants-patrons.
Véritable sacerdoce
On comprend pourquoi. En France, une publicité pour une assurance retraite
destinée aux chefs d’entreprise les définit en effet comme «les premiers
arrivés au bureau et les derniers à partir, les seuls à ne jamais être
malades et à être sur le pont 24 heures sur 24». Et ce slogan, à lire les
données de l’OFS, est loin d’être une caricature.
Point un : «Près de la moitié des indépendants travaillent la semaine et le
week-end». Ils sont ainsi 45,1% à se rendre à leur bureau ou à travailler à
domicile le samedi et le dimanche, contre 18,4% des salariés.
Point deux : «Les indépendants travaillent en moyenne dix heures de plus que
les salariés», soit près de 52 heures contre 41,7 heures.
Point trois: «Ils s’accordent six jours de vacances en moins par année». Le
rêve d’autonomie a donc un prix, très élevé. Mais peu de ces petits patrons
reviennent, volontairement, en arrière.