Le téléphone portable va-t-il ressusciter la déflation au Japon ?

 
 
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Un japonais au téléphone devant une boutique de l’opérateur NTT DoCoMo, le 27 octobre 2006 à Tokyo (Photo : Yoshikazu Tsuno)

[27/10/2006 09:45:43] TOKYO (AFP) La guerre des prix couvant dans le secteur des communications mobiles au Japon menace de compliquer le scénario de sortie de la déflation pour la deuxième économie mondiale, qui a connu en septembre un nouvel essoufflement des prix à la consommation.

L’entrée en vigueur le 24 octobre du système de la “portabilité du numéro mobile”, qui permet à l’usager de changer d’opérateur sans changer de numéro, a déclenché une série d’offensives commerciales parmi les compagnies, chacune tentant d’attirer les abonnés des autres tout en conservant les siens.

Le numéro trois du secteur, Softbank Mobile, a ainsi annoncé que tous les appels entre ses abonnés seraient désormais gratuits.

Même si ses concurrents NTT DoCoMo et KDDI n’envisagent pas de riposter pour le moment, cette offre tarifaire spectaculaire ne laisse pas d’inquiéter les économistes.

Elle tombe en effet à un très mauvais moment : en août, le gouvernement a révisé sa méthode de calcul de l’indice des prix à la consommation pour accorder plus de poids au secteur de la téléphonie mobile. Une mesure destinée à mieux refléter la réalité, l’usage du “keitai” (téléphone portable) atteignant au Japon des proportions phénoménales.

Désormais, les prix des communications mobiles représentent 2% de l’indice.

Une guerre des prix dans le secteur aurait donc des effets fâcheux sur une inflation déjà symbolique, et ce au moment même où la Banque du Japon prépare doucement les esprits à une série de resserrements monétaires.

“Cette réduction des prix par le troisième plus gros joueur du marché des mobiles souligne le risque qu’un événement isolé puisse ressusciter la déflation”, commente Richard Jerram, économiste chez Macquarie Securities.

En septembre, soit avant l’annonce de Softbank, les prix à la consommation hors produits frais n’ont augmenté que de 0,2% sur un an, soit un dixième de point de moins que la prévision moyenne des économistes, selon des statistiques officielles publiées vendredi.

En excluant à la fois les produits frais et l’énergie, les prix ont même reculé de 0,5%, ce qui confirme que la faible inflation actuelle n’est due qu’à la flambée des prix des carburants (+26,6% sur un an). A l’inverse, les prix des communications (-4,3%) ont tiré l’indice vers le bas.

Même si, de l’avis général, l’offensive de Softbank n’aura pas à elle seule de graves conséquences, “les effets à long terme ne doivent pas être sous-estimés”, avertit Takehiro Sato, économiste chez Morgan Stanley.

“Au final, il semble probable que tous les opérateurs finiront par se lancer dans la guerre des prix”, et le phénomène pourrait même s’étendre à d’autres secteurs comme la téléphonie fixe, le gaz ou l’électricité, prédit-il.

“La politique monétaire va-t-elle être l’otage des tarifs des téléphones portables ?” s’interroge cet économiste.

L’essoufflement de l’inflation pourrait en effet contrecarrer les plans de la Banque du Japon, qui envisage actuellement de nouveaux resserrements monétaires après l’abandon historique, en juillet, de la politique de taux zéro qu’elle pratiquait depuis plus de cinq ans pour combattre la déflation.

Sous la pression des partenaires commerciaux du Japon, de plus en plus mécontents de la faiblesse actuelle du yen, et pronostiquant une hausse soutenue des prix dans les mois à venir, la banque centrale n’écarte pas une nouvelle hausse du loyer de l’argent avant la fin de l’année.

Mais “les pressions inflationnistes étant minimes, et sauf si la Banque du Japon adopte un comportement extrêmement radical, une série de relèvements de taux n’est pas à prévoir”, objecte Kenro Kawano, économiste au Crédit Suisse.

 27/10/2006 09:45:43 – © 2006 AFP