[29/10/2006 10:48:34] LA PAZ (AFP) Le gouvernement de gauche du président Evo Morales a conclu samedi un accord jugé historique pour récupérer le contrôle sur les ressources en gaz avec la vingtaine de compagnies étrangères et privées opérant en Bolivie, le pays le plus pauvre d’Amérique du sud. “L’accord a été signé avec tous”, a déclaré le ministre bolivien des Hydrocarbures, Carlos Villegas, peu avant la date butoir fixée à samedi minuit, par un décret présidentiel de “nationalisation” datant du 1er mai. Devenu en janvier le premier président amérindien de Bolivie, le socialiste Morales s’est félicité de l’issue des difficiles négociations menées d’arrache-pied ces derniers jours, estimant qu’elles allaient permettre “d’exercer le droit de propriété de nos ressources naturelles”. “Avec ces contrats, nous allons résoudre le problème des injustices sociales et éviter des troubles de l’ordre public à l’avenir”, a ajouté le président. “C’est la nationalisation sans indemnisation (des compagnies étrangères) que demandaient de nombreux secteurs de la société”, a-t-il dit, dans une allusion à la forte sensibilité des Boliviens sur ce dossier. Deux gouvernements, celui du libéral Gonzalo Sanchez de Lozada en octobre 2003 et celui du progressiste Carlos Mesa, en juin 2005, étaient tombés ces trois dernières années sur l’épineuse question de la “guerre du gaz”. M. Sanchez de Lozada, responsable de la privatisation du secteur lors d’un premier mandat présidentiel (1993/97) fut renversé par une révolte populaire de paysans — menée notamment par M. Morales, chef de file des producteurs de coca — et de mineurs, violemment réprimée (80 morts). Les manifestants estimaient que les recettes du gaz bénéficiaient essentiellement aux groupes étrangers sans que l’Etat ni l’économie bolivienne n’en tire de grands avantages. En dix ans de privatisation, les multinationales ont investi au moins 3 milliards de dollars dans l’exploration et l’exploitation du gaz, ce qui a eu le mérite de mettre au jour 1.550 milliards de mètres cubes de réserves, soit le deuxième bassin d’Amérique du sud derrière le Venezuela. L’accord va permettre à l’Etat bolivien de récupérer le contrôle de ce gaz à la source, dans l’objectif d’accroître ses ressources financières pour développer ce pays andin très pauvre. “La prochaine étape est l’industrialisation”, a souligné M. Morales, à propos des investissements étrangers espérés dans des complexes de liquéfaction et transformation du gaz naturel. Les nouvelles conditions imposées aux pétroliers étrangers feront passer les recettes publiques tirées du secteur de 200 millions de dollars par an actuellement à 4 milliards, selon le président Morales.
L’accord prévoit que les entreprises pétrolières remettront à la compagnie publique nationale, Yacimientos Petroliferos Fiscales Bolivianos (YPFB) “toute leur production en hydrocarbures”. En échange, elles seront rémunérées, suivant leurs contrats, pour une valeur comprise entre 18 et 50% des quantités extraites. YPFB assumera entièrement la commercialisation du gaz, définissant les volumes et les prix des produits à placer sur le marché intérieur et à l’exportation. Au terme de pourparlers “complexes”, l’accord a été signé aussi avec les compagnies espagnole Repsol et brésilienne Petrobras, qui contrôlent respectivement 27% et 47% du marché bolivien du gaz. La Bolivie a une capacité de production de 35 millions de mètres cubes par jour, dont la quasi-totalité est exportée vers le Brésil par Petrobras qui fournit ainsi la moitié des besoins du pays et l’Argentine, surtout par Repsol. Vendredi, un premier accord avait été conclu entre les groupes français Total (qui exploite 15,9% des réserves boliviennes) et l’Américain Vintage (2,1%). |
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