Ramadan
est fini et le travail réel va redémarrer. Du moins en théorie. Un petit
bilan de ce qu’était ce mois saint n’est, à mon avis, pas de trop. Durant ce
mois, on a un peu trop parlé de bonheur. Et je me suis rendu compte que la
notion du bonheur est facile à prononcer chez certains. Un rien les rendrait
heureux !
Dans une rencontre ramadanesque nocturne, un
producteur-réalisateur-animateur a contesté les chiffres de Sigma Conseil
concernant son programme diffusé sur une chaîne de télévision publique.
Selon lui, son programme a été une réussite et ne peut obtenir uniquement
1,7%.
Pour ma part, qui continue à donner du crédit aux STATS de Sigma Conseil, je
pense que même ces 1,7% sont de trop. Ou bien ce pourcentage est composé de
gens qui ont laissé la télé ouverte alors qu’ils vaquaient à d’autres
occupations ou bien ils figuraient dans le carnet d’adresses de ce monsieur
et de sa large équipe.
Je n’ai rien contre la personne, mais contre son émission, si. Qu’il soit
heureux de son ouvrage, c’est son droit, mais que l’on nous parle de bonheur
des téléspectateurs, c’est un pas que l’on n’aurait pas dû se permettre.
Un autre animateur dans une autre chaîne de télévision s’est permis, dans un
quotidien de la place, une diatribe d’une extraordinaire violence contre
l’humoriste Lamine Nahdi. La raison est que Nahdi a critiqué son émission
sur ce même journal. Les mots contenus dans cette diatribe étaient assez
choquants pour le commun des mortels -dont je fais partie- qui n’est pas du tout
habitué à ce verbiage dans nos médias. Ce même animateur, pour de donner du
crédit à sa diatribe, a cité les chiffres de Sigma qui lui offraient un bon
audimat.
Quelques jours plus tôt, ce même animateur mettait en doute dans les mêmes
colonnes dans le même journal ces mêmes chiffres de cette même agence !
Franchement, et je ne suis pas représentatif, mais cette émission est une insulte
à l’intelligence du Tunisien.
Et quand ce même animateur s’amuse à nous parler de bonheur offert au
téléspectateur dans son émission, je pense là aussi que c’est un pas qu’il
n’aurait pas dû franchir. Notre bonheur tiendrait-il donc à une simple
émission TV ? N’est-ce pas trop simpliste ? Et cela veut dire quoi de
prendre à témoin les chiffres d’une agence dont on a douté soi-même de sa
crédibilité quelques jours plus tôt? Mais là n’est pas le pire.
C’est une
entreprise des plus florissantes du pays.
A l’occasion du ramadan, elle nous a proposé une promotion qui nous fait
gagner de l’argent. Et cette promo, dans son titre, parle de bonheur.
D’ailleurs, ils sont tellement heureux de leur promo qu’ils l’ont prolongée
deux fois ! J’ai creusé un peu pour voir si je vais pouvoir boucler ma fin
de mois grâce à l’argent que va me faire gagner cette entreprise, que je
respectais tant, et j’ai découvert que le montant de mes gains est de
quelques dinars. Je dis bien quelques dinars et non pas quelques dizaines de
dinars. Autrement dit, c’est un gain quelconque. Plus qu’une émission TV,
quelques dinars maintenant font le bonheur d’un citoyen, selon cette
entreprise !
Quand je pense à ce petit neveu à qui j’ai offert un billet de dix dinars
comme mahba de l’aïd et qui me semblait bien mécontent, je me demande
comment des créateurs (TV et marketing) se permettent de nous parler de
bonheur à tout va, de franchir des pas qui insultent tout simplement notre
intelligence et qui ne supportent, dans la foulée, aucune critique.
On aura ainsi franchi tous les pas au grand dam des gens qui n’auraient
certainement pas été malheureux si on leur a fait éviter toutes ces émissions
et toutes ces promos. Certains de mes lecteurs m’auraient certainement
demandé de plus amples informations sur l’identité des gens et entreprises
dont j’ai tu les noms; et ils ont raison. Mais je suis parti du principe que
ces gens et ces entreprises préfèrent vivre heureux en vivant cachés. Et
comme ils ne supportent pas vraiment la critique et comme ils peuvent être
rancuniers (sur un plan juridique et surtout sur le plan
publicitaire), j’ai préféré ménager le bonheur de mon entreprise en ne
citant personne.