Brésil : l’accélération de la croissance ne se fera pas au prix de la stabilité

 
 
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Le président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva salue des supporteurs à Brasilia au lendemain de sa réélection, le 30 octobre 2006 (Photo : Evaristo Sa)

[30/10/2006 19:15:37] SAO PAULO (AFP) La priorité affichée par le président brésilien Lula en faveur de la croissance économique ne devrait pas remettre en cause la stabilisation de l’économie malgré l’offensive de certains ministres en faveur d’une inflexion politique, selon des économistes.

Juste après sa réélection triomphale avec 60,83% des voix, le président Luiz Inacio Lula da Silva a affirmé que le Brésil connaîtrait l’an prochain une croissance de 5% au moins, alors qu’il est la lanterne rouge des pays émergents (2,3% en 2005).

Tout en s’engageant à poursuivre une politique budgétaire “dure”, il a également promis de ne plus “faire souffrir le peuple sous le poids de lourds ajustements”.

Une partie du gouvernement pousse en faveur d’une politique plus favorable au développement. “Les bas indices de croissance économique et la préoccupation névrotique de l’inflation, sans penser à la distribution du revenu et à la croissance, c’est terminé”, assure l’un des poids lourds du gouvernement, le ministre des Relations institutionnelles Tarso Genro.

“Un taux de croissance de 5% est compatible avec une inflation réduite”, a précisé lundi M. Genro, qui s’est défendu de prôner une rupture.

“Le régime politique économique reposant sur les excédents (budgétaires), le taux de change flottant et les objectifs d’inflation ne sera pas modifié”, a indiqué à l’AFP l’économiste Roberto Padovani, du consultant Tendencias. L’inflation pourrait être inférieure à 3% cette année.

Mais “il existe une certaine appréhension concernant la composition (future) de l’équipe économique”, a souligné M. Padovani. Actuellement, le ministre des Finances Guido Mantega, qui prône une politique en faveur du développement, cohabite avec le très orthodoxe gouverneur de la Banque centrale Henrique Meirelles.

Signe de cette circonspection, la Bourse de Sao Paulo perdait 1,26% vers 14H15 locales à 38.832 points.

Pour Aloisio Pessoa de Araujo, économiste à la Fondation Getulio Vargas, “à court terme, on n’a pas besoin de changer de politique économique pour avoir une croissance plus forte au Brésil” parce que “les taux d’intérêt ont beaucoup baissé et qu’il existe une marge de manoeuvre pour qu’ils baissent davantage”.

La banque centrale a baissé de six points son taux de base à 13,75% entre septembre 2005 et octobre, mais les taux réels hors inflation demeurent les plus élevés du monde (plus de 9%).

Selon Roberto Padovani cependant, “avec des taux réels élevés et des investissements en deça de ce qui est souhaitable, la croissance devrait atteindre 3 à 4% en 2007” tout au plus.

L’économiste de la Fondation Getulio Vargas ne voit “pas de marge de manoeuvre pour un relâchement” budgétaire, d’autant que “Lula est davantage surveillé par les marchés, qui réagissent très rapidement”.

Lula va “devoir réduire un peu les dépenses l’an prochain par rapport à cette année” où elles ont augmenté à l’approche des élections, selon Aloisio de Araujo.

Pour nombre d’économistes, la mise en oeuvre de réformes dans les domaines de la fiscalité, de la sécurité sociale et de la législation du travail sont indispensables pour accélérer la croissance brésilienne.

“Il n’y aura pas de croissance durable sans réformes”, écrivait lundi Armando Monteiro Neto, président de la Confédération nationale de l’Industrie dans les colonnes du quotidien Folha de Sao Paulo.

A moyen terme, des réformes du marché du travail, de la protection sociale et de la fiscalité sont “beaucoup plus fondamentales pour la croissance”, selon Aloisio Pessoa de Araujo.

“Plus de la moitié des travailleurs brésiliens sont dans l’informalité” souligne M. de Araujo, pour qui Lula jouit de la “crédibilité” nécessaire pour réformer une législation du travail contraignante en matière d’embauche et de licenciement notamment.

 30/10/2006 19:15:37 – © 2006 AFP