Torbjorn Pettersson, de l’ambassade de la Suède
en Tanzanie, l’admet volontiers : l’aide au développement est un échec. Le
fait que les pays donateurs fixent les modalités d’utilisation de l’aide
explique cet état de fait. La Tanzanie a, depuis quelques jours, le
privilège d’être le premier pays à faire sans contrainte ses choix
budgétaires avec l’aide fournie (allAfrica.com).
La raison triomphe peu à peu au sein de la communauté internationale des
donateurs. Au lieu de financer, à même les fonds publics des pays riches,
des projets qui ne mènent nulle part, les donateurs financent de plus en
plus des «paniers communs» d’aide, ou une aide budgétaire sectorielle, ou
mieux encore un appui budgétaire général.
La Tanzanie profite d’une amélioration du dernier de ces mécanismes d’aide.
Onze pays donateurs, la Banque africaine du développement et la Banque
mondiale sont convenus de laisser le gouvernement tanzanien décider des
priorités et des modalités de dépense de leur appui budgétaire, soit 668
millions USD en 2006. Du jamais vu !
Les donateurs vont s’assurer que des mécanismes de responsabilisation sont
en place et offrir un certain monitorage («discussion of issues and
challenges of executing the set modality», a dit Pettersson, impliqué de
près dans les pourparlers avec le gouvernement tanzanien).
Efficace, l’appui budgétaire général ?
Le Burkina Faso, le Malawi, le Mozambique, le Nicaragua, le Rwanda,
l’Ouganda et le Vietnam ont participé à une évaluation de l’efficacité de
l’appui budgétaire général, menée par l’Organisation de coopération et de
développement économique (OCDE).
Au Burkina Faso, par exemple, le constat de cette évaluation est que
«l’appui budgétaire général a contribué au renforcement des systèmes
nationaux de planification et de budgétisation en les rendant plus
transparents et en augmentant la responsabilité vis-à-vis de l’obligation de
rendre compte» (Aide
publique au développement : vers une harmonisation de l’approche des
bailleurs de fonds).
L’étape suivante est, tout naturellement, de laisser agir en toute
souveraineté les gouvernements ainsi renforcés.
La fin des «dialogues politiques»
Pour la Tanzanie, la décision des pays donateurs signifie le plein contrôle
d’un montant d’aide correspondant à plus de 40% de son budget annuel.
Plus besoin donc de «dialogue politique» avec les donateurs (bel euphémisme
pour contrôle politique). L’autre grand avantage est que l’État devient
responsable devant son parlement et sa société civile de la totalité de ses
dépenses publiques.
Dans plusieurs pays, des ministres puissants peuvent contourner le ministre
des Finances et établir des relations directes avec les bailleurs de fonds.
On imagine sans peine les petits royaumes intérieurs qui se constituent
ainsi.
Il n’est pas étonnant que les risques politiques associés à l’appui
budgétaire général aient été sous-estimés dans plusieurs des pays évalués,
comme le note justement le rapport synthèse de l’OCDE.
Les «partenaires» techniques et financiers des pays pauvres ont peine à
changer « des façons de faire solidement ancrées dans les systèmes
politiques ». Les petits rois ne concèdent pas facilement leur butin.
Cela prouve qu’il n’y a rien de tel qu’une réforme budgétaire qui vient de
l’intérieur, plutôt que d’être exigée par des donateurs qui n’observent pas
ce qu’ils prêchent.
Le rapport de l’OCDE souligne aussi à juste titre que les donateurs, outre
leurs intérêts divergents, ont souvent des attentes irréalistes.
En Tanzanie, souhaitons-le, l’absurdité de ces situations d’aide où règnent
les contradictions entre donateurs va prendre fin.
Les décisions du gouvernement tanzanien
peuvent être contestées, mais au moins, ce sont ses propres choix.