Les yacoubiens et les autres

 
 

cine200011106.jpgLe cinéma et moi, cela fait longtemps qu’on est divorcés. Pourtant, quand
j’étais nettement plus jeune, j’étais férue de ciné club, d’explications sur
les scènes, et du coup, j’avais fini par apprendre et comprendre le rôle des
acteurs du scénariste, du montage, de la musique. Et ces quelques dernières
années, la télé aidant et les films décevants –c’était soit du sang, soit de
l’amour, soit rien du tout comme beaucoup de films de chez nous–, je suis
restée chez moi à zapper sur le petit écran en attendant que le temps passe
….

Et voila que l’on me recommande un film égyptien ; égyptien ? Ça ne va pas
non, ils savent faire des films ces gens là ; chez eux, on tombe amoureux de
sa cousine ou de sa voisine, on chante, on se marie, on a beaucoup d’enfants
et on vit heureux et longtemps …Eh non, durant les 10.000 secondes qu’a duré
la projection de IMARAT YACOUBIAN, j’étais sur mon fauteuil. Un acteur de
cette saga où la principale vedette est un immeuble des années 30, je ne
savais pas à quel étage j’habitais, mais on est tous, quoique que nous
soyons et où nous pouvons, être yacoubian d’une certaine manière.

Cette caméra fait plus de mal que toutes les bombes, le montage du film est
un petit chef-d’œuvre et la narration des histoires vous prend à la gorge
durant toute la durée du spectacle. Je ne pense pas que le mot spectacle
s’applique à cette fresque vivante et qui décrit, en nous interpellant, le
monde dans toute sa complexité. Car, cet immeuble, ce n’est que notre monde
avec tous ses travers. Je ne pense pas que l’auteur ait oublié quelqu’un
dans son film : les grands, les puissants, les pistonnés, les pourris, les
extrémistes, les déçus, les faibles, les anciens et les nouveaux riches, les
anciens et les nouveaux pauvres ; les vicieux, les vertueux( ?), la femme,
l’homme ….

Ce qui est curieux, c’est qu’il n’y a pas d’animaux dans ce film.

Je peux
vous parler des heures de ce chef-d’œuvre et surtout de la dernière scène où
l’ancien bourgeois Adel Liman, l’Egyptien au bras de la merveilleuse Hend
Sabri en blanc –encore une émigrée qui a compris que nul n’était prophète
dans son pays- allant vers un avenir incertain en tournant le dos à la
caméra, est un morceau d’anthologie ; et quand le mot fin s’inscrit sur
l’écran, on reste sur notre faim, car on sent bien que, comme l’avenue, ils
empruntent l’avenir qui n’est pas si éclairé que ça …

Décidément, ce cinéma n’a plus rien à envier aux autres ; et avec des gens
simples et une bonne histoire, on peut faire des chefs-d’œuvre qui font
actuellement le tour du monde.

Maintenant, je comprends pourquoi les
pharaons se sont installés au bord du NIL avec un Sphinx qui nargue la
planète yacoubisée….