[08/11/2006 13:53:03] PARIS (AFP) Les nanotechnologies, que certains voient porteuses d’une nouvelle révolution industrielle, sont-elles condamnées par les inquiétudes de l’opinion ? Scientifiques, industriels et politiques redoutent un rejet comparable à celui qui a étouffé dans l’oeuf le développement des OGM en France. “Nous craignons qu’une sorte de syndrome OGM ne s’empare des nanotechnologies”, a souligné mardi le sénateur socialiste des Côtes d’Armor, Claude Saunier, lors d’une audition organisée par l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST). Pour lui, “il est souhaitable de prendre les devants et d’éviter une rupture entre les scientifiques et l’opinion publique sur cette question centrale”. Pour la première fois au monde, l’opposition aux nanotechnologies a débouché en juin sur la violence: une manifestation avait dégénéré à Grenoble lors de l’inauguration du pôle Minatec, qui porte les espoirs français dans le domaine. Les nanotechnologies sont un vaste éventail de technologies s’intéressant aux particules d’une taille inférieure à 100 nanomètres (un nanomètre = un milliardième de mètre). L’an dernier, pas moins de 10 milliards d’euros ont été injectés dans le monde en recherches sur ce secteur. Mais, parce qu’elles sont diverses, ces technologies suscitent des craintes variées: sur la santé (nouveaux matériaux), sur les libertés individuelles (électronique), sur l’intégrité humaine (biologie). Dans un livre récent (“Proie”), l’auteur américain Michael Crichton évoquait le spectre de particules capables de s’auto-assembler et d’aggresser les hommes. “Faire des nanorobots capables de se reproduire, c’est de la science-fiction”, tranche Jean Therme, directeur du CEA Grenoble. Mais tous les spécialistes conviennent que la recherche sur les nanotechnologies va beaucoup plus vite que celles, encore balbutiantes, sur leurs impacts. “Leurs effets nocifs à long terme est l’un des points les plus délicats à résoudre”, reconnaît le Dr Patrice Marche, de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm). “Sommes-nous condamnés à la violence ?”, s’interroge Dorothée Benoit-Browaeys, déléguée générale de Vivagora, association qui tente de promouvoir le dialogue scientifique et seule ONG représentée. “Nous n’avons absolument pas pris les devants en France alors que des voix hostiles se sont élevées à Grenoble dès 2002. Le risque est bien réel de voir monter une génération de gens totalement sceptiques envers la science. Cet enlisement risque de nous coûter très cher”. Pour elle, “quantités de craintes peuvent être recyclées et venir se concentrer sur les nanotechnologies”. Tous les participants ont insisté sur l’importance de l’éthique, de la transparence et du débat pour arriver à une acceptation par le public. “Il faut absolument un effort considérable d’explication et d’information pour bien poser un problème qui ne peut en définitive qu’être tranché par l’ensemble de nos concitoyens”, a souligné le ministre délégué à la Recherche François Goulard, qui concluait la réunion. “Ne laissons pas se développer un débat biaisé, dont le type même est celui autour des OGM”. Le député socialiste de Meurthe-et-Moselle Jean-Yves Le Déaut, spécialiste des OGM, a émis la crainte que le seul dialogue ne suffise pas. “La conférence des citoyens de 1998 (sur les OGM) disait qu’il fallait un moratoire dans certains cas, mais surtout pas interrompre la recherche, y compris de plein champ. Tout cela a été balayé”, a-t-il noté. |
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