En
marge de la foire internationale de Tunis (du 10 au 18 novembre 2006), M. Abderrahmane
BENKHELFA, Délégué général de l’Association des banques et établissements
financiers (ABEF), a accepter de nous parler de la situation du secteur
bancaire et financier algérien, du développement du tissu économique ainsi
que des créneaux porteurs dans cette phase de modernisation de l’économie
algérienne.
Interview
Vous représentez le secteur bancaire et financier au cours de cette journée de
partenariat tuniso-algérienne. Quelle est la situation de ce secteur
hautement stratégique de l’Algérie d’aujourd’hui ?
C’est un secteur qui
a beaucoup évolué au cours des dernières années mais qui est loin de couvrir
la réalité économique de l’Algérie d’aujourd’hui. Actuellement, le pays compte
une trentaine d’institutions financières et bancaires, avec une prédominance
d’institutions publiques, même si en peu de temps 15 banques privées ont vu
le jour.
Du coup, le niveau de
bancarisation est faible d’autant plus que le pays est immense, mais avec
des demandes de financement extrêmement importantes ; il faut qu’on passe à
terme à
1 point bancaire pour 10.000 habitants…
Quels sont les
créneaux demandeurs de financement bancaire ?
Actuellement, le grand
créneau demandeur de financement bancaire ce sont les financements
d’entreprises, essentiellement PME/PMI qui naissent et se développent tous
les jours. Alors il y a un besoin de financement très important dans
l’ensemble du
pays.
En outre, il faut que
le pays passe à une vitesse supérieure pour, d’abord, couvrir l’espace
géographique, ensuite produire en Algérie certains des produits qui sont
aujourd’hui importés, car le pays dispose maintenant des moyens pour pouvoir
produire sur place certains de ces produits, et même d’avoir un panel de
PME/PMI exportatrices, d’autant plus que les ressources sont moins cher.
Dans ce cas, est-ce
que l’Algérie, à l’instar de la Tunisie et du Maroc, pourrait devenir un
site de production et d’exportation ?
Oui, tout à fait. Je
puis dire que nous sommes un pays qui s’apprête à devenir un pays de
délocalisation ; autrement dit, autrefois les pays qui vendaient en Algérie
peuvent maintenant s’y installer et produire pour réexporter. Donc, le tissu
qui va se développer le plus se fera avec d’autres pays sous forme de
joint-venture. Déjà, des Européens ont commencé à développer des
joint-ventures, contrairement aux Maghrébins, pourtant c’est un créneau
d’avenir extrêmement important.
Quels sont les autres
créneaux importants… ?
Vous avez également le
marché de l’immobilier avec un programme de construction de plusieurs
milliers de logements qui se construisent et qui vont l’être. Il y a aussi
le marché de l’automobile, sans oublier les créneaux des grands
investissements (énergie, eau, routes, matériaux de construction,
médicaments…).
Mais le développement
du tissu PME/PMI reste le créneau le plus important aujourd’hui en Algérie
et qui est à portée de main des Tunisiens, aidés par la proximité
géographique et culturelle.
Vous admettrez que
pour que l’Algérie soit un site de production et, éventuellement,
d’exportation, il est nécessaire d’avoir des ressources humaines bien
formées. Qu’en est-il de ce côté… ?
Vous avez tout à fait
raison. La formation est également un créneau qui est appelé à se
développer, car il y a un besoin en termes de qualité de la formation.
D’ailleurs, le rythme de développement du pays a nécessité l’importation
d’une main-d’œuvre étrangère importante (chinoise, et de certains pays
arabes…), parce que les métiers des grands secteurs comme le BTP,
l’hydraulique, le logement, la maintenance ou la sous-traitance dans tout ce
qui est mécanique et électronique, etc., exigent une haute qualité de
formation qui n’existe pas ou peu en Algérie aujourd’hui.
Mais il est certain
que ce secteur va se développer très rapidement parce que le système
salarial est en train d’évoluer de façon positive, en ce sens que, avant, on
rémunérait les diplômes, mais maintenant ce sont les compétences, l’habilité
professionnelle qu’on rémunère,…
Et au niveau des
banques et autres institutions financières ?
En fait, cela concerne
tout le secteur des services (tourisme, transport, finances), mais le marché
des compétences bancaires reste de loin le plus tendu, compte tenu des
nouvelles créations d’établissements bancaires. Et il faut dire
que les métiers de banque et de la finance ce sont des métiers dans lesquels
il y a un besoin d’affinement extrêmement important. Il y a certes de
porteurs de diplômes, mais pas suffisamment de techniciens qui maîtrisent
le métier du financement de l’investissement, de banquier d’affaires, de
conseiller d’entreprises…
Venons-en maintenant
aux relations commerciales et économiques tuniso-algériennes. On voit qu’il
y a une volonté politique des deux côtés, mais comme l’on a pu le constater,
les opérateurs se plaignent des procédures.
Nous devons
reconnaître que le rythme de développement des relations tuniso-algériennes
en matière de commerce est encore faible, mais il est important; mais il y a
une importante marge de progression possible à ce niveau là.
Pour les
opérations de commerce extérieur qui passent par des banques, et compte tenu
de la règlementation en matière de contrôle de change, il y a évidemment,
parfois, des retards. Ceci dit, il est nécessaire que les opérateurs des
deux pays aillent au-delà des opérations d’achat et de vente, car si
l’opération se passe entre importateur et exportateur, cela engendre des
blocages, alors que si les uns arrivent à connaître les banquiers des
autres, échangent les informations, se font confiance, et vice versa, cela
peut faciliter les choses. Cela veut dire tout simplement que Tunisiens et
Algériens peuvent être des vrais partenaires du développement des deux pays.