[22/11/2006 10:44:28] TALLINN (AFP) Malgré une nouvelle expérience lors des législatives de mercredi aux Pays-Bas, l’Europe hésite à se lancer dans le vote par internet qui apparaît pourtant inéluctable aux yeux des tenants de l’administration électronique. Les Pays-Bas en sont à leur deuxième essai après les élections européennes de 2004. Mais le projet reste limité aux citoyens qui résident à l’étranger, et seulement 17.000 d’entre eux ont demandé à voter depuis leur ordinateur pour le scrutin de mercredi. Pour le moment, l’Estonie est le seul pays en Europe et au monde à avoir décidé de généraliser les élections par internet. En octobre 2005, elle avait été le premier pays à permettre à l’ensemble de ses électeurs de voter électroniquement, à l’occasion des municipales. Elle retentera l’expérience lors des législatives de mars. Ivar Tallo, qui dirige en Estonie l’Académie de l’E-gouvernement, chargée de diffuser l’utilisation de l’internet par les autorités, est persuadé que l’avénement du vote électronique n’est qu’une question de temps. Il en veut pour preuve l’essor rapide de la déclaration d’impôts par internet dans son pays. En 2000, seulement 9% des Estoniens y avaient eu recours. L’an dernier, ils étaient 82%. “Pour cela, il faut lutter contre le conservatisme qui est en nous, il est difficile de changer nos habitudes”, constate Ivar Tallo. Les diverses expériences menées en Europe montrent que le vote par internet est parfaitement réalisable techniquement, souligne Michael Remmert, qui suit le dossier pour le compte du Conseil de l’Europe. “Les électeurs par internet sont satisfaits et pensent que cela correspond à leur mode de vie moderne”, dit-il. Mais la demande des citoyens reste globalement assez faible, de sorte que les gouvernements sont lents à innover. La France et la Grande-Bretagne ont déjà fait des tests grandeur nature mais la plupart des autres pays européens en sont à faire des études de faisabilité. Pour l’universitaire espagnol Jordi Barrat, les réticences vis-à-vis du vote par internet s’expliquent aussi par son manque inhérent de transparence. “Dans le vote électronique, nous devons forcément faire confiance aux techniciens”, explique-t-il. Certains avancent que le vote par internet pourrait faire remonter une participation qui a tendance à faiblir. C’est la thèse de la Suisse, championne de la démocratie directe, pour qui le vote par internet n’est qu’une version moderne du vote postal. Or, souligne le gouvernement du canton de Genève, la participation a progressé de 20 points depuis que le vote postal a été introduit. Depuis 2003, ce canton, qui a un rôle pionnier en Suisse, a organisé huit scrutins expérimentaux en ligne. L’an prochain, le parlement de Genève doit examiner un projet de généralisation du vote par internet à tous les électeurs. Mais, ailleurs en Suisse, il faudra attendre, même si les cantons de Zurich et Neuchâtel organisent de nouveaux tests lors de deux votations (référendums) dimanche. Les experts affirment cependant qu’il est trop tôt pour savoir si la participation sera réellement stimulée par l’internet. “En Estonie, seulement 12 à 15% des électeurs internet, qui représentaient eux-même seulement 2% de l’électorat, affirment qu’ils n’auraient pas voté sinon”, souligne le professeur suisse Alexander Trechsel, qui a mené une étude sur les municipales estoniennes de 2005. “Je n’ai jamais pensé que ceux qui ne votent jamais voteront, mais cela peut convaincre les électeurs paresseux ou trop occupés”, affirme Ulle Madise, conseillère du parlement estonien. En revanche, selon l’étude d’Alexander Trechsel, le vote par internet ne change rien aux résultats. Car contrairement à ce qu’on pourrait croire, les électeurs par internet ne se distinguent pas des autres par leur âge, leur sexe, leurs revenus ou leur niveau d’éducation. Seuls ceux qui sont à l’aise avec un ordinateur votent par internet et ils se retrouvent sur tout le spectre politique, à gauche comme à droite. |
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