Le
3 novembre dernier, à l’issue d’un conseil ministériel, le président Zine El
Abidine BEN ALI, décide de charger la Société tunisienne d’électricité et du
gaz (STEG) d’entamer l’élaboration des études relatives au développement de
l’électricité au moyen de l’énergie nucléaire.
Pour expliquer cette option nucléaire pour la Tunisie, le PDG de la STEG, M.
Othman Ben Arfa, a organisé une conférence de presse le 22 novembre 2006 au
siège de la STEG.
D’abord, le PDG a presenté l’état des lieux sur l’énergie en Tunisie. A cet effet,
il a souligné que «la principale source d’énergie primaire utilisée dans
notre pays pour la production d’électricité est le gaz naturel. Le fuel
lourd vient en second lieu et est utilisé comme solution d’appoint».
Il
explique ensuite pour dire que le choix du gaz naturel a permis de dégager
des gains appréciables durant les années 90 et les premières années de cette
décennie, grâce à l’introduction de la technologie la plus performante en
moyens de production d’électricité, à savoir, le cycle combiné, lequel a un
rendement nettement meilleur que les autres moyens de production.
Mais, avec la flambée des prix des hydrocarbures intervenue au cours des
dernières années, la production nationale d’électricité a ressenti quelques
effets négatifs, d’autant plus que le coût du combustible pèse, aujourd’hui, pour
plus de 50% dans le prix de revient de l’électricité.
Et
le PDG de la société nationale de donner un exemple éloquent : «une
augmentation de 1 $ sur le baril a pour répercussion 15 millions de dinars
tunisiens sur la facture combustible de la STEG…». D’où quelques ajustements
tarifaires successifs -ayant atteint 30% en totalité- dans le but
d’équilibrer la situation, mais qui, malheureusement, n’ont pas permis de
compenser la hausse des prix du gaz.
Conséquence : «On ne peut pas exclure le recours à d’autres ajustements
au
cas où la tendance du cours du baril se maintiendrait (à son niveau actuel,
NDLR)».
Alors, dans cette situation, «quelles perspectives pour l’électricité en
Tunisie et quelle stratégie adopter ?», s’interroge le patron de la STEG.
M.
Ben Arfa indique que, d’ici à l’horizon 2020, il est prévu que la demande de
l’électricité évoluerait de 4 à 5% en moyenne par an, pour un niveau de
consommation qui devrait atteindre environ 22 milliards de kWh et nécessiterait
pratiquement le doublement de la puissance installée d’aujourd’hui.
Dans ce cas, «quelles sont les options envisageables pour combler ce
déficit ?», s’interroge-t-il de nouveau.
Premièrement : «Une alternative serait de continuer de bénéficier du
rendement élevé du cycle combiné au gaz naturel». Mais selon le PDG de la
STEG, cette alternative pourrait engendrer ‘’une lourde dépendance vis-à-vis
d’un seul combustible : A l’horizon 2020, la part de gaz naturel non
substituable dans la production d’électricité représenterait 95%’’. Ce qui
risquerait, du coup, de compromettre l’indépendance énergétique du pays et
augmenter encore davantage la vulnérabilité du secteur de l’électricité aux
aléas et variations des prix du gaz naturel, lesquels risquent de demeurer
élevés’’.
Seconde alternative, les énergies renouvelables, notamment l’énergie
éolienne et solaire, mais leur potentiel mobilisable reste marginal par
rapport aux capacités requises, et leur utilisation reste intermittente et
tributaire de conditions météorologiques favorables, admet le M. Ben Arfa…
Il
ne reste plus que la solution électronucléaire, avec des avantages certains
sur les plans économique, environnemental, etc.
Ainsi, «sur le plan économique, et suite à la flambée des combustibles,
l’électronucléaire est devenu aujourd’hui largement compétitif par rapport à
d’autres moyens de base tels que le cycle combiné et aux centrales
thermiques classiques au fuel. Au prix du gaz d’aujourd’hui, le kWh
nucléaire est 70 % moins cher que celui d’une turbine à vapeur au fuel et 15
% moins cher que celui du cycle combiné».
Autre avantage économique du nucléaire par rapport aux autres moyens de
production : «le prix du nucléaire est très peu sensible à l’évolution du
coût du combustible». A titre de comparaison, pour le cas de l’électricité
nucléaire, la part combustible ne représente que 30% du prix du kWh, alors
qu’elle représente 80% pour le cas d’une turbine à vapeur au fuel ou d’un
cycle combiné au gaz. De ce fait, un doublement du prix du combustible
occasionne une augmentation de 80% du prix du kWh pour le cas de la turbine
vapeur au fuel et du cycle combiné et seulement 30% pour le kWh nucléaire.
«Cette qualité prend toute son importance durant les périodes de crises
énergétiques puisqu’elle permet d’amortir les hausses brusques des prix du
combustible et de réduire sensiblement la vulnérabilité des économies
nationales à de telles situations. L’exemple de la France, dont près de 88%
de la production de l’électricité est nucléaire, est éloquent à ce sujet. Le
fait d’avoir misé sur l’électronucléaire a en effet permis à ce pays de
limiter sensiblement l’impact de la récente flambée des prix des
combustibles sur son économie nationale et a constitué un atout important
pour ce pays durant ces dernières années en lui permettant d’offrir les prix
de l’électricité les plus compétitifs en Europe durant cette période».
L’avantage du nucléaire vu du côté environnemental n’est pas en reste,
puisque, selon le PDG de la STEG, … «la mise en service d’une centrale
nucléaire de 900 MW permettrait d’éviter l’émission à l’atmosphère de 3
millions de tonnes de CO2 à l’atmosphère par an, soit l’équivalent de
l’émission de gaz carbonique de 100.000 voitures».
Et
pour ceux qui pensent au danger potentiel des centrales nucléaires en termes
de rejets radioactifs, M. Othman Ben Arfa rappelle des données intéressantes
suivantes :
–
indépendamment des centrales nucléaires, l’homme est exposé en permanence au
rayonnement radioactif provenant aussi bien de sources naturelles ou
artificielles. La radioactivité naturelle a deux origines : cosmique ou
terrestre. Le rayonnement cosmique, qui vient du ciel, est produit par
divers phénomènes dont la naissance et la mort des étoiles. Le principal
émetteur de rayonnement cosmique sur terre est le soleil. Le rayonnement
naturel terrestre provient à son tour d’éléments abondants tels que
l’uranium et le thorium. Nos aliments sont eux-mêmes naturellement
radioactifs. La radioactivité artificielle provient quant à elle de
plusieurs sources, telles que les applications médicales courantes.
Quant aux centrales nucléaires, il faut savoir que les quantités qu’elles
sont autorisées à rejeter dans l’environnement sont très faibles et
n’entraînent qu’une légère augmentation de l’exposition aux rayonnements
ionisants pour le public et l’écosystème. Aucun effet de ces très faibles
doses sur la santé humaine ni sur l’écosystème n’est détectable autour des
centrales nucléaires en fonctionnement normal.
– Pour le cas de la France qui détient la part d’électronucléaire
la plus élevée au monde, les statistiques montrent que la dose annuelle due
aux rejets réels de ses centrales nucléaires est 2.000 fois moins importante
que la radioactivité naturelle moyenne.
Elle est de 20.000 fois plus faible que la dose maximale admissible pour les
travailleurs.
–
En résumé, une évaluation comparative des risques pour la santé de plusieurs
systèmes énergétiques parue dans le bulletin de l’AIEA montre que
l’électronucléaire se situe parmi les filières les moins nocives.
– En ce qui concerne les risques d’incidents, la filière nucléaire
est actuellement une filière maîtrisée. Il est en effet à rappeler que :
*
la technologie électronucléaire n’est pas une technologie récente : c’est
depuis les années 60 que l’utilisation industrielle de cette filière a été
développée ;
*
plus de 30 pays parmi les plus avancés utilisent l’énergie nucléaire pour la
production de l’électricité ;
* il y a actuellement plus de 440 réacteurs en service dans le monde ;
* depuis l’incident de Tchernobyl survenu en 1986, des avancées très
importantes ont été faites à plusieurs niveaux, aussi bien de la
technologie, des systèmes de contrôle, de la mise en place de plans
d’urgence, de la formation du personnel exploitant…
Comment se présenterait la solution électronucléaire en Tunisie ?
Pour commencer, le PDG de la STEG révèle les études relatives à
l’introduction du nucléaire en Tunisie ne datent pas d’hier. En effet, c’est
depuis les années 80 que des études préliminaires ont été engagées à ce
sujet par la STEG en collaboration avec des organismes nationaux et
internationaux. Ces études ont notamment concerné l’opportunité de
l’introduction de cette filière et les recherches préliminaires de sites.
Pour une meilleure optimisation de cette alternative, l’utilisation de cette
énergie comme solution combinée pour la production de l’électricité et pour
le dessalement de l’eau de mer a été également considérée, a-t-il indiqué.
Aujourd’hui, le projet qu’il est proposé d’étudier consiste en la
réalisation d’une centrale électronucléaire d’une puissance de 900 MW
représentant, à l’horizon 2020, moins de 20% (entre 15 et 20%) de la
capacité totale installée du pays, donc compatible avec la taille du réseau.
Il s’agirait d’une centrale utilisant un combustible enrichi à importer, et
dont le retraitement des déchets, en cours de fonctionnement, serait
sous-traité auprès d’usines spécialisées. Le délai nécessaire pour la
réalisation d’un tel projet serait de 15 ans (de la phase d’études à la
réalisation finale, NDLR).
Les
enjeux d’un tel programme nécessitent d’actualiser et de compléter les
études qui ont déjà montré l’intérêt économique de l’électronucléaire. On
aura compris que, pour l’heure, il ne s’agit que d’un avant-projet. C’est
pourquoi le patron de la société nationale précise : «Les études que la STEG
se prépare à lancer lors de la présente phase d’avant-projet concerneront
notamment :
– Les
études technico-économiques (en
parallèle avec l’étude de site), qui concernent notamment la gestion du
combustible, l’intégration de la centrale au réseau, les options techniques
à retenir, le mode de financement, les études d’impact et de sûreté, la
définition des besoins en compétences et en formation…
– Quant
à la mise en place du cadre légal et institutionnel, elle a trait à
la
délimitation des responsabilités et prérogatives des différents intervenants
du projet, les aspects relatifs à la sûreté, etc.
Pour mener à bien cette phase d’avant-projet, nous avons fait appel aux
compétences de l’entreprise pour la constitution d’une équipe projet,
sachant que la STEG recèle actuellement un nombre d’experts formés dans le
domaine dont certains sont même détachés depuis longtemps auprès de hautes
instances internationales.
Enfin, M. Ben Arfa a annoncé la création d’un comité d’experts qui serait
composé de hauts responsables versés dans le domaine ; et ce comité se
réunirait périodiquement pour émettre ses avis et suggestions sur le
déroulement et les divers aspects du projet.
«La
décision présidentielle de confier à la STEG un tel projet d’envergure
constitue une preuve de confiance pour une entreprise qui n’a cessé de
démontrer ses preuves et sa haute technicité. Forte d’un personnel hautement
qualifié et d’une expérience de 45 ans dans des domaines les plus vastes,
avec un parc s’étendant sur une trentaine de centrales électriques
exploitées avec succès depuis des dizaines d’années, la STEG a toujours su
relever les défis», conclut le PDG de la STEG.