La bougie et les oubliés des statistiques

 
 

cham3a240.jpgUne
réaction fort attendrissante d’un de nos lecteurs «émigrés», cadre supérieur
en statistique dans le monde prestigieux de l’audiovisuel, m’a fortement
émue, et je voudrais y répondre car elle concerne -en cette période où la
guerre des statistiques des audiences télé fait rage- les oubliés de la
statistique.

En Tunisie on ne peut nier les énormes efforts réalisés dans le tissu rural
et urbain pour renforcer les infrastructures de base : avoir de l’eau
potable et disposer de l’électricité et être éclairé la nuit au fin fond de
la campagne, c’est un des plus importants critères du développement humain.
Mais -il y a toujours un ‘’mais’’- on ne peut pas résoudre tous les
problèmes, et quand, par exemple, la STEG considère qu’elle a desservi 98 ou
99% des 2 millions de familles que compte le pays, on ne peut que la
féliciter, mais il reste ce 1%, cet epsilon qui représente quand même 20.000
familles éparpillées à travers les différentes régions et dont la desserte
est extrêmement onéreuse –environ 10.000 DT- par famille. Ces citoyens
malchanceux –victimes généralement de la géographie- qui restent dans le
noir font partie de ce qu’on appelle «la tranche incompressible et non
rentable d’un ensemble» et on la retrouve dans tous les domaines économiques
et sociaux.

Il faut, en général, des événements extérieurs pour les remettre en valeur.
Prenez l’exemple des mines de houille qui sont redevenues rentables quand le
pétrole a dépassé les 50 $. Pour nos êtres humains qui restent dans le noir,
la notion de rentabilité n’est pas la même car si cela coûte 10.000 DT par
famille pour qu’ils puissent s’éclairer et regarder la télé, combien cela
coûte à l’économie leur exode vers des cieux plus cléments ? D’ailleurs, on
a constaté que, et il y a, à mon sens, peu de statistiques –encore- à ce
sujet, l’amélioration des conditions de vie dans les campagnes a développé
les migrations inverses, choses dont rêvent beaucoup de pays du tiers monde
: regardez Chobra au Caire, Bamako, les favelas de Rio et les townships du
Cap où le non droit est devenu le droit …

Mais dans ces coins perdus non éclairés de Tunisie, il y a encore des
miracles qui se produisent comme ce cadre originaire de la banlieue de
Regueb, gouvernorat de Sidi Bouzid, qui, ayant étudié à la bougie, s’est
retrouvé spécialisé en statistiques et travaille actuellement à Paris…
Passer de sa bougie à la ville lumière, quel extraordinaire JUMP ! Alors que
dirai-je à ce cadre si ce n’est que pour que la situation change, il faut
sensibiliser, sensibiliser, et encore sensibiliser qui de droit, et pourquoi
pas financer ce raccordement électrique par un crédit personnel –les taux en
Europe sont très bas.

Bonne chance dans ta carrière internationale … !