Malgré l’euro fort, la BCE s’apprête encore à relever le coût du crédit

 
 
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Le siège de la Banque centrale européenne à Francfort en 2005 (Photo : John MacDougall)

[01/12/2006 19:50:19] FRANCFORT (AFP) Malgré l’euro fort, la Banque centrale européenne (BCE) s’apprête à remonter ses taux directeurs pour la sixième fois en un an, alors que se multiplient les pressions des pouvoirs politiques, surtout français, pour que cette hausse annoncée soit la dernière.

L’euro a amélioré vendredi son plus haut niveau depuis 20 mois face au dollar et son record historique face au yen, après la publication d’un indicateur américain qui a ravivé les craintes d’un atterrissage plus brutal que prévu de l’économie américaine.

L’euro a connu un pic à 1,3348 dollar, un niveau plus vu depuis le 18 mars 2005. Il a parallèlement établi un nouveau record historique face au yen, à 154,11 yens.

Sauf coup de théâtre, les gardiens de l’euro vont décider jeudi d’augmenter d’un quart de point le principal taux directeur de la zone euro pour le hisser à 3,50%, son plus haut niveau depuis cinq ans.

Comme de coutume, le président de la BCE Jean-Claude Trichet a bien préparé le terrain, à grand renfort de mises en garde contre des risques de surchauffe inflationniste.

Et la force actuelle de l’euro, au plus haut depuis vingt mois face au billet vert à plus de 1,33 dollars, n’y changera rien. “La récente appréciation de l’euro ne présente pas un sujet d’inquiétude pour la relance de l’économie de la zone euro et les perspectives de croissance de l’an prochain”, juge Anna Grimaldi de Banca Intesa.

Selon l’analyste, seul un saut brutal de la devise entre 1,38 et 2 dollars constituerait une “sérieuse menace” pour la croissance, en freinant les exportations, et serait alors susceptible de modifier le cap de la politique monétaire.

Il y aura un an presque jour pour jour que la BCE a entamé ses resserrements monétaires, après avoir maintenu pendant deux ans et demi son taux au niveau historiquement bas de 2%.

Plusieurs responsables ont laissé entendre que le geste de décembre ne clôturerait pas le cycle. Progression de l’économie de la zone euro au-delà de son potentiel de 2%, retombées inflationnistes liées à la croissance toujours soutenue des crédits, dangers éventuels d’un emballement des prix provenant de fortes hausses salariales pouvant être attisées par des cours du pétrole toujours élevés et un marché du travail en amélioration: les menaces pour la sacro-sainte stabilité des prix sont légion, font valoir les “faucons” au sein du conseil des gouverneurs.

Sans vouloir s’engager sur des échéances en 2007, Jean-Claude Trichet avait gardé toutes les options ouvertes: la BCE fera “tout ce qui est nécessaire” pour préserver la stabilité des prix, atteinte à ses yeux quand l’inflation est proche mais en-dessous de 2%.

Il a promis d’en dire plus lors de la conférence de presse qui suivra le conseil du 7 décembre. La BCE publiera aussi à cette occasion ses nouvelles projections économiques, sur lesquelles elle oriente sa politique de taux.

De nombreux analystes attendent au moins un nouveau tour de vis l’an prochain, voire deux pour porter le principal taux à 4%. L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a même jugé possible une poursuite des hausses de taux jusqu’en 2008.

Une perspective propre à réveiller les critiques des gouvernements de la zone euro contre la BCE, principalement en France déjà en pleine campagne pour les élections présidentielles de l’an prochain et où les exportations traversent une mauvaise passe.

Le ministre des Finances Thierry Breton a exhorté la BCE à “entendre” les préoccupations sur le taux de change euro-dollar des ministres des Finances de l’Eurogroupe, qui ont prôné la “vigilance”, en écho au mot clé que prononce le président de la BCE pour annoncer une hausse de taux imminente.

Une manière aussi de relancer le débat sur le partage des compétences en matière d’euro. Le président de l’eurogroupe Jean-Claude Juncker avait réclamé au printemps une plus grand coordination dans ce domaine avec la BCE, initiative reçue par cette dernière comme une nouvelle tentative d’entamer son indépendance et donc sa crédibilité auprès des marchés.

“Je suis Monsieur Euro”, avait alors répondu Jean-Claude Trichet.

 01/12/2006 19:50:19 – © 2006 AFP